Depuis trois décennies, Aurélie Bertin (château Sainte Roseline), Patricia Ortelli (château La Calisse) et Valérie Rousselle (château Roubine) sont les figures emblématiques de la viticulture en Provence. Elles ont commencé leur activité dans les années 1990, une période où les rosés de Provence n'étaient pas encore très appréciés. Ces trois femmes ont su anticiper les tendances et sont aujourd'hui reconnues comme des visionnaires dans leur domaine.
En l'espace de trois décennies, elles ont observé et participé à l'évolution du vin rosé de Provence. Dans les années 1990, Bordeaux était en tête et la Bourgogne commençait à gagner en popularité. A cette époque, le vin léger des régions méditerranéennes, apprécié lors des fortes chaleurs, n'était pas considéré comme prometteur. Cependant, certaines personnes ont eu un véritable coup de cœur pour ce vin. C'est le cas de Patricia Ortelli et Valérie Rousselle, qui ont toutes les deux acheté leur domaine lors de ventes aux enchères, à quelques années d'intervalle.
Adjugé ! Vendu ! Le 21 juin 1990, c'est Patricia Ortelli qui remporte l'enchère finale pour l'acquisition de Château La Calisse, situé à Pontevès, dans les collines varoises. À ce moment-là, elle se retrouve soudainement propriétaire d'un vignoble, sans avoir eu le temps de réfléchir. Jeune trentenaire originaire de la région parisienne, elle était à la recherche d'une nouvelle vie dans le sud, d'où était originaire son mari. Après avoir visité le domaine à l'abandon le matin même, elle a été séduite par la bastide qui était autrefois une magnanerie, et par la beauté de la Provence et sa lumière. Malgré une panne de voiture qui l'a obligée à demander de l'aide pour changer une roue en chemin, elle a remporté l'enchère. Ce n'est qu'après coup qu'elle réalisera l'ampleur du travail qui l'attendait.
Valérie Rousselle et son fidèle chien Obélix dirigent le Château Roubine à Lorgues, qu'ils ont acheté en 1994. Ce domaine viticole de 72 hectares est l'un des plus anciens de France. C'est ce que révèle Stéphanie Davilma dans Les Echos Week-end.
Originaire de Saint-Tropez, Valérie Rousselle est familière avec la région. Cependant, lorsqu'elle apprend de son père l'existence d'un domaine intéressant à Lorgues (Var), elle trouve que c'est assez éloigné des côtes. C'est donc par simple curiosité qu'elle décide de l'accompagner pour découvrir l'un des dix-huit crus classés de Provence, Castel Roubine, avec sa belle bastide datant du XVIIIe siècle. Elle raconte : « J'étais partie en tant que touriste, mais j'ai été véritablement séduite ! Je me demande si ce n'est pas le domaine qui m'a choisi plutôt que l'inverse. Trente ans plus tard, ma passion pour ce lieu est toujours aussi forte ! » Situé entre le Verdon et la Méditerranée, le domaine appartenait auparavant à des Danois qui ont connu des difficultés financières après la première guerre du Golfe. Mis aux enchères, il est vendu lors d'une vente judiciaire le 14 février 1994. À l'époque, Valérie Rousselle, alors âgée de 32 ans et mariée à l'escrimeur Philippe Riboud, double champion olympique par équipe, ne se rendait pas compte de ce qui l'attendait : « J'étais jeune et insouciante. Je n'avais pas conscience des enjeux, de la difficulté et de l'engagement financier que cela impliquait ! »
Aurélie Bertin célèbre cette année ses trente ans de passion. En juin 1994, son père, le promoteur immobilier Bernard Teillaud, a acheté Château Sainte Roseline, un domaine viticole classé situé aux Arcs-sur-Argens (Var). Ce domaine exceptionnel se trouve à quelques kilomètres de la plaine des Maures, et comprend une chapelle du XIe siècle ainsi qu'un cloître du XIIe siècle. Malgré les doutes de ses amis, son père a investi dans ce domaine en Provence après avoir vendu ses affaires à Grenoble. Il souhaitait produire des vins de haute qualité dans les trois couleurs et développer l'oenotourisme.
La famille a des liens historiques avec le vignoble provençal, car les grands-parents ont possédé le Château des Demoiselles avant que Bernard Teillaud ne le rachète en 2005. Au départ, Aurélie Bertin ne mesurait pas pleinement l'importance de cet héritage. Elle étudiait le marketing sportif dans le Sud et était principalement heureuse pour son père. Elle est arrivée sur le domaine en 2001 et a d'abord développé l'oenotourisme. Lorsque son père a envisagé de prendre sa retraite, il lui a proposé de prendre la relève. Sans hésiter, elle a accepté. Elle dirige l'entreprise depuis seize ans et est toujours présente aujourd'hui.
Découvrez également :
HISTOIRE – Vin : Caroline Frey, une experte en vin qui ne recule devant rien
NOTRE CHOIX – Les 7 meilleurs vins rosés de l'année
Aurélie Bertin s'est lancée dans la rénovation du domaine familial, les Demoiselles, après son rachat par son père. Malgré son manque d'expérience, elle a suivi une formation en viticulture/oenologie à l'Université du vin de Suze-la-Rousse en 2006 pour acquérir des connaissances solides. Cette formation lui a permis de travailler dans la vallée du Rhône, notamment au Domaine Jaume, où elle a appris la taille des vignes. Ses deux principaux objectifs étaient de convertir le domaine (110 hectares) en agriculture biologique d'ici 2022 et d'améliorer la qualité de leur production de rosé. Elle a notamment lancé la cuvée haut de gamme "la Chapelle de Sainte Roseline", un rosé vendu à plus de 20 euros, ce qui était une nouveauté à l'époque.
Après avoir été formée à l'Ecole de Lausanne dans le domaine de l'hôtellerie, Valérie Rousselle a quitté sa brillante carrière au sein du groupe Barrière à Deauville pour se lancer dans l'exploitation viticole du domaine devenu Château Roubine. Convaincue de réussir, elle a suivi une formation en viticulture et oenologie à l'université du vin de Suze-la-Rousse. En restructurant son vignoble de 72 hectares, l'un des plus anciens de France, elle a notamment choisi de réintroduire le cépage tibouren, emblématique de la Provence. Avec les cuvées d'excellence comme Inspire, elle a suivi les tendances du marché en proposant des vins plus clairs qui ont rencontré un grand succès auprès des consommateurs.
Il y a plus de trente ans, Patricia Ortelli a décidé de convertir le Château La Calisse en agriculture biologique lorsqu'elle l'a acquis. C'est ce que rapporte Stéphanie Davilma dans Les Echos Week-end.
Patricia Ortelli a développé un intérêt passionné pour le vin dès son enfance, lorsque son père, le sénateur de Seine-et-Marne, Philippe François, lui a confié la responsabilité de surveiller la cave familiale et de s'assurer de la qualité des bouteilles servies aux invités alors qu'elle n'avait que 9 ans. Avant de se consacrer à la production du rosé de Château La Calisse, elle avait suivi une formation différente en art grec à l'Ecole du Louvre, où elle a obtenu son diplôme. Cette expérience lui a permis de développer un sens aigu de l'observation, en comparant l'étude d'un temple grec à la compréhension de la nature et de l'équilibre nécessaire pour obtenir les meilleurs fruits de la vigne. Dionysos, divinité complexe, incarne à la fois la fertilité, la création, l'initiation et la douleur, ce qui reflète les défis rencontrés lors des premières vendanges laborieuses.
Les vignes étaient initialement plantées dans une direction est-ouest, mais j'ai décidé de les arracher et de les replanter dans une direction nord-sud afin de suivre la pente naturelle du terrain. Cette décision a été prise par Patricia Ortelli.
Patricia Ortelli, au début de son parcours, a commis de nombreuses erreurs. Son premier vin produit en solo n'a pas été une réussite. Elle a ensuite décidé de suivre une formation en oenologie au lycée agricole d'Hyères, afin d'apprendre et de comprendre davantage. Après avoir étudié l'histoire de l'art, elle s'est lancée dans une étude géologique et a entrepris des travaux pour transformer son domaine et mettre en valeur le terroir exceptionnel de La Calisse. Ce domaine, situé à une altitude de près de 400 mètres, bénéficie d'un microclimat particulièrement favorable en Provence, offrant fraîcheur et vendanges plus tardives. Les raisins mûrissent lentement, ce qui permet d'obtenir des arômes plus concentrés. Patricia a pris la décision d'arracher les vignes plantées est-ouest et de les replanter nord-sud, suivant ainsi la pente des vignes.
Cela permet à l'eau de s'évacuer plus facilement et expose davantage les cailloux calcaires au soleil, favorisant ainsi la transmission de chaleur pendant la nuit et contribuant à la maturation des raisins. Chaque année, les douze hectares de vignes sont labourés et entretenus sans l'utilisation de produits chimiques, Patricia Ortelli a rapidement opté pour une approche biologique, malgré les sceptiques de l'époque. Cette démarche a permis une meilleure compréhension du terroir et a contribué à l'amélioration des vins de Provence.
Phénomène populaire chez les jeunes adultes
L'histoire de trois femmes vigneronnes qui ont contribué à la popularité du rosé de Provence, devenu un vin très apprécié pour les moments de convivialité. Ce vin, autrefois consommé principalement en été, est maintenant apprécié toute l'année à Paris et à New York, attirant autant les femmes que les hommes, en particulier les jeunes. Valérie Rousselle, originaire de Saint-Tropez, souligne que l'engouement pour les grands formats de rosé dans les clubs de plage a débuté dans sa région, offrant une alternative moins coûteuse et tout aussi festive que le champagne. Avec sa couleur pâle, le rosé donne l'impression d'être moins alcoolisé, ce qui contribue à son succès actuel.
Découvrez également:
ARTICLE – Tout ce qu'il faut savoir sur les vins rosés et leur diversité
ENQUÊTE – Les grands producteurs de vin se lancent dans la production de vins sans alcool
Avec des codes plus accessibles mais une image toujours haut de gamme grâce à sa présence dans des endroits tendance, le vin rosé de Provence a séduit la génération Y, connue pour être sensible à la satisfaction immédiate et au mode de vie lié à la consommation. Selon Aurélie Bertin, c'est un véritable coup de cœur pour les jeunes adultes. La couleur du vin est particulièrement appréciée. Auparavant, les vignerons laissaient les raisins macérer plus longtemps, ce qui donnait des teintes plus foncées. Les jeunes apprécient cette couleur à laquelle ils s'identifient. L'attrait puissant de la Provence a également joué un rôle important. Pour Patricia Ortelli, le rosé de Provence représente avant tout la région de Provence. Elle défend l'importance de l'appellation d'origine. Pour promouvoir le mode de vie provençal, elles ont développé le tourisme viticole en organisant des événements artistiques sur leurs domaines.
Alors que le marché du vin en France est bien établi, de nouvelles entreprises telles que LVMH, Pernod-Ricard et Louis Roederer investissent dans le rosé de Provence. Cela suscite de l'espoir parmi les vignerons de la région pour une croissance à l'exportation. Cependant, cela entraîne également des tensions sur les prix des terres viticoles. Aurélie Bertin, Valérie Rousselle et Patricia Ortelli se concentrent sur un enjeu crucial : transmettre leurs domaines à leurs enfants, qui ont décidé de travailler en famille et de poursuivre la quête de qualité entamée il y a des décennies. Leur objectif est que le vignoble français le plus ancien reste dynamique.
Notes de dégustation
VIN BLANC
Le domaine viticole La Calisse, dirigé par Patricia Ortelli, se situe dans les collines de Var en Provence. Les vins produits sont certifiés en agriculture
Ce vin blanc de Provence est dynamique et minéral, avec une belle énergie. Il est composé de Rolle, de grenache et de clairette, qui sont élevés en cuves sur lies fines. Cela lui donne un côté croquant et zesté, avec des notes de thé et de poire fraîche qui se révèlent en bouche.
Le prix est de 27 euros sur le site chateau-la-calisse.fr.
FLEUR
Vin rosé de la Collection du Château Sainte-Roseline, appellation côtes de provence cru classé, millésime 2023, certifié en Agriculture Biologique.
La nouvelle cuvée se distingue par son équilibre entre richesse et vivacité. En dégustation, le vin révèle des arômes doux et enveloppants. Avec des notes de fleurs blanches et de baies acidulées, il offre une sensation légère en bouche.
Le prix est de 21,90 € sur le site sainte-roseline.com.
Coloris rouge
Château Roubine présente son vin rouge Inspire, issu de l'appellation côtes de provence cru classé de l'année 2021, certifié en
Inspiré par le terroir argilo-calcaire de Lorgues, le vin Inspire est un mélange de syrah et de cabernet sauvignon qui révèle toute sa force. Encore jeune, ce vin est dynamique, épicé et élégant. Des notes de poivre blanc, de menthe et de cassis offrent une aromatique intense, soutenue par des tanins longs et prometteurs.
Le prix est de 56 euros sur le site vignoblesderoubine.com.
Nom: Carla-Elle Rogosky
Jacques Lesilinna
Découvrez nos nouvelles offres Premium !
Nos vidéos
Analyse des paris sportifs en ligne : qui en bénéficie réellement ?
Les pays du sud de l'Europe, comme le Portugal, l'Espagne et la Grèce, reprennent le dessus.
Les jeunes rencontrent-ils des difficultés avec le travail ?
Est-ce que la concurrence peut faire baisser les prix des billets de train de la SNCF ?
En vedette
Les marchés boursiers mondiaux subissent une forte baisse.
La reprise du marché immobilier est timide mais confirmée.
Israël cherche à former une coalition internationale contre l'Iran.
Gastronomie et vins
Découvrez le club Palmer et son Champagne.
L'expérience sportive d'Alexandre Mazzia l'a beaucoup appris.
Notre avis sur le restaurant "La Chèvre d'Or" de Tom Meyer.
Informations pratiques
P
L'Ensemble
Tous les droits sont protégés – Copyright Les Echos 2024