Les architectes de Bordeaux sont très demandés pour la rénovation des chais. Les célèbres architectes comme Starck ou Wilmotte ont longtemps dirigé les travaux de modernisation des cuves des châteaux. Aujourd'hui, ce sont les cabinets d'architecture locaux, comme ceux de Bernard Mazières et d'Olivier Chadebost, qui prennent en charge ces projets.
Écrit par Béatrice Brasseur
La comparaison entre le tailleur bar de Christian Dior datant de 1947 et les cuves ultramodernes de Fourcas Dupré est faite par l'ingénieur et architecte Olivier Chadebost, qui est passionné par la haute couture. Il travaille dans des domaines variés, tels que l'industrie pharmaceutique et le nucléaire, ce qui lui permet de trouver des solutions innovantes. Les cuves de Fourcas Dupré ont été conçues pour réduire l'oxydation du vin, et leur forme particulière permet de réduire le nombre de remontages nécessaires.
Gérard Jicquel, le propriétaire, a une formation scientifique, tout comme moi. Il n'est pas passionné par la mode, contrairement à moi. Je lui explique pourquoi et comment cela fonctionne, c'est mon rôle. Je crée uniquement des vêtements sur mesure. Pour Agassac, une autre propriété de l'investisseur, il a conçu un hôtel très moderne à côté du petit château du XIVe siècle. Cet hôtel est fait de béton blanc végétalisé, avec des courbes, y compris un escalier intérieur en spirale monumental. Sa méthode de conception matricielle lui permet de modéliser mathématiquement des choses qui semblent impossibles.
Des réservoirs en acier inoxydable suspendus
Comme à Angélus, un autre projet en cours consiste à finaliser vingt ans de changements. Dans un style rappelant l'exploitation des carrières de Saint-Émilion, la salle de fermentation par gravité sera enterrée et les réservoirs en acier inoxydable, en bois et en béton seront tous suspendus. C'est rare pour le bois, et totalement nouveau pour le béton. Des réservoirs pouvant peser jusqu'à 19 tonnes à vide seront accrochés à un plafond voûté composé de couches de béton blanc de 16,5 centimètres, ce qui rend le projet très complexe. Après vingt ans de discrétion (malgré ses collaborations avec Christian de Portzamparc à Cheval Blanc, La Gaffelière, Lafon Rochet, Beauregard, Montlabert…), Olivier Chadebost est actuellement une figure incontournable à Bordeaux, où il termine le projet de Plain Point à Fronsac et travaille sur celui de Guiraud (un chai et un hôtel où une partie permettra de dormir sur un plancher en verre, au-dessus des barriques).
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Selon Bernard Mazières, un expert en architecture vitivinicole avec une longue expérience, le château était autrefois le principal lieu de représentation, mais aujourd'hui, c'est le bâtiment technique qui joue ce rôle. Il observe que le paysage architectural du vignoble bordelais a beaucoup évolué, avec une compétition mondiale accrue, une amélioration globale de la qualité des vins grâce à des installations modernes, et des prix élevés pour les vins d'élite, justifiant des structures magnifiques. C'est dans ce contexte que le nouveau cuvier en inox "poli miroir" de Branaire-Ducru a été inauguré avec faste.
Le cuvier en acier inoxydable suspendu du domaine Branaire-Ducru a été conçu par Bernard Mazières, un précurseur dans le domaine de l'architecture viticole. Il a été réalisé par l'atelier d'architectes Mazières.
Au début du mois de juillet, ce sera au tour du domaine de Grand Puy Ducasse, situé sur les quais de Pauillac, d'exposer ses nouvelles installations techniques et accueillantes. Conçu par l'Atelier des Architectes Mazières, ce chai urbain et à grain de raisin est le seul du fleuve. Il présente les mêmes défis que le château Branaire-Ducru : créer un cuvier gravitaire parcellaire pour mettre en valeur la diversité des terroirs, suspendu à plus de 2 mètres du sol pour optimiser l'espace dans des locaux où il est impossible d'agrandir, et offrir un espace d'accueil au public. Selon Bernard Mazières, l'oenotourisme est désormais un élément essentiel de tous les projets vinicoles. Parmi les réalisations de l'Atelier des Architectes Mazières, on retrouve des noms prestigieux tels que Montrose, Pétrus, Latour, Margaux, Lagrange, Malartic-Lagravière, Clerc Milon, La Conseillante. Ces chantiers ont parfois été réalisés dans l'ombre d'autres grands noms, tels que le scénographe Richard Peduzzi à Mouton Rothschild et l'architecte d'intérieur Bruno Moinard à Troplong-Mondot.
Implantés sur le terrain
Si le propriétaire souhaite faire parler d'une célébrité, c'est son choix. Ces personnalités voyagent à travers le monde, sollicitées pour leur signature afin de renforcer la réputation de la propriété. Nous sommes présents sur le terrain, travaillons de façon continue et savons rester discrets, ce qui est une valeur fondamentale à Bordeaux. Les architectes tels que Jean-Michel Wilmotte à Cos d'Estournel et à Pédesclaux, Mario Botta à Faugères, Christian de Portzamparc à Cheval Blanc, Jean Nouvel à La Dominique, Norman Foster à château Margaux, Philippe Starck aux Carmes Haut-Brion, et récemment Herzog & De Meuron à Bélair-Monange, ont certes perturbé les codes, mais ont parfois éclipsé leurs collègues bordelais qui travaillent à leurs côtés.
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Des architectes comme Luc Arsène-Henry de l'agence LAH/AT et Guy Troprès et Caroline Marly de A3A travaillent avec des designers renommés comme Philippe Starck et Norman Foster pour créer des bâtiments remarquables pour des domaines viticoles comme les Carmes Haut-Brion et Margaux. En solo, ils réalisent également de magnifiques projets pour des châteaux comme Beychevelle, Lascombes, Kirwan, Fonplégade et Figeac. On remarque une tendance récente où les architectes locaux prennent de plus en plus d'importance, travaillant sur des projets prestigieux comme les nouvelles installations de Ducru-Beaucaillou et les acquisitions de Vray Croix de Gay et Le Prieuré pour le groupe Suravenir. Alain de La Ville, qui a redessiné Calon-Ségur avec brio, travaille également sur d'autres projets pour ce groupe. L'Atelier des architectes Mazières est également impliqué dans des projets comme Grand Puy Lacoste.
Enfin, ce n'est ni une célébrité ni un habitant local qui a conçu le projet le plus original à Cantenac Brown : Philippe Madec, un architecte breton spécialisé dans la construction en terre crue, malgré son manque d'expérience dans les bâtiments viticoles. Les murs en terre crue et en pisé se dressent à côté du château de style Tudor du XIXe siècle. Sur une superficie de 5 000 m2, le nouveau cuvier parcellaire et gravitaire (doublant sa capacité) ainsi que le chai respectueux de l'environnement ont accueilli la récolte de 2023. Selon José Sanfins, le directeur, l'atmosphère y est semblable à celle d'une église, avec un silence apaisant, une inertie thermique constante de 10-11 °C été comme hiver, une humidité optimale pour la stabilité et le vieillissement des vins en fûts, et des puits canadiens assurant une ventilation naturelle. Le tout est surmonté d'une magnifique charpente en bois, créant une élévation presque spirituelle.
Béatrice Brasseur
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