Margaret Menegoz, une productrice de renom, est décédée à l'âge de 83 ans. Elle a travaillé avec des réalisateurs tels qu'Eric Rohmer, Wim Wenders, Marguerite Duras et Michael Haneke. Pendant près de 46 ans, de 1975 à 2021, elle a dirigé les films du Losange, contribuant ainsi à créer une filmographie exceptionnelle dans le cinéma français et international.
Écrit par Pierre de Gasquet et Adrien Gombeaud
Un bâtiment élégant mais discret, situé presque à l'intersection de l'avenue Pierre-Ier-de-Serbie et de l'avenue Marceau. Ce lieu, qui semble ordinaire, est en réalité empreint de légendes. C'est ici, dans le siège historique des Films du Losange à Paris, que Margaret Menegoz, une productrice franco-hongroise d'origine allemande, a dirigé les plus grands noms du cinéma d'auteur français pendant plus de quarante ans. À l'âge de 83 ans, elle vient de nous quitter, laissant derrière elle un héritage inestimable dans l'histoire du cinéma français.
En tant qu'admiratrice et collaboratrice d'Eric Rohmer et de Barbet Schroeder, deux figures importantes de la maison de production française la plus ancienne, Margaret Menegoz a joué un rôle crucial dans le soutien et la promotion de grands talents tels que Marguerite Duras, Andrzej Wajda, Lars von Trier et Michael Haneke, dont le film "Amour" a remporté la Palme d'Or en 2012. Sa philosophie est simple : chaque auteur est unique et il n'existe pas de système standard pour les accompagner.
L'histoire incroyable du Losange commence en 1962, lorsque un jeune homme franco-suisse de 19 ans rencontre un membre important des "Cahiers du Cinéma". Passionné par le cinéma, Barbet Schroeder passe beaucoup de temps à la Cinémathèque. Après avoir été renvoyé de la direction des "Cahiers", Eric Rohmer, qui est plus âgé de vingt ans, lui propose de créer une nouvelle revue. Barbet lui répond alors qu'il préférerait l'aider à réaliser ses films. A l'âge de 22 ans, il met en gage un tableau du peintre expressionniste allemand Emil Nolde, hérité de sa mère, pour fonder sa propre société.
Après treize ans, Rohmer est à la recherche d'une assistante pour son adaptation de la nouvelle de Heinrich von Kleist, "La Marquise d'O". Il engage une jeune femme d'origine hongroise recommandée par Pierre Viot, le directeur du Centre national du Cinéma (CNC). Margaret, âgée de 33 ans et mariée au documentariste Robert Menegoz, travaille avec lui en tant que régisseuse, scripte et productrice. Au début, elle était censée être une simple secrétaire, mais elle est rapidement devenue la force motrice du Losange avec sa capacité à passer d'une logique d'autoproduction à une logique de production.
En 1978, elle a participé à la réalisation du film "Perceval le Gallois" de Rohmer, un film original mais avec une forme incroyable. Malgré son échec au box-office, elle a ensuite travaillé sur les "Comédies et Proverbes". Les premiers films de Rohmer, tels que "La Femme de l'aviateur" et "Le Beau Mariage", ont eu un succès mitigé. Cependant, Gaumont lui a confié des grosses productions en parallèle, comme "Danton" de Wajda, des films de Comencini ou "Un amour de Swann" de Volker Schlöndorff, ce qui a apporté de l'argent au Losange.
Margaret entretenait des relations étroites avec les auteurs et se dévouait pleinement au service du film. Sa collègue Régine Vial se souvient de sa précision et de sa compréhension des besoins des réalisateurs, ce qui était très apprécié. Grâce à son expérience en tant que monteuse, elle avait une connaissance approfondie du processus de création d'un film, ce qui était extrêmement précieux pour l'équipe.
Un regard critique
Selon une ancienne enseignante de français et propriétaire de cinémas, les réalisateurs bénéficiaient d'une connaissance approfondie de leur travail qui favorisait une collaboration authentique. Margaret était connue pour son regard critique sur les films qu'elle produisait. Elle cherchait à prolonger la durée de vie de ses films pour leur offrir les meilleures opportunités et à travailler sur le catalogue comme le ferait un éditeur.
Je suis convaincu que les femmes productrices sont plus compétentes que les hommes car elles sont moins égocentriques.
Selon Margaret Menegoz, les femmes productrices sont en général meilleures que les hommes car elles ont moins d'ego. Elle a partagé cette opinion avec "Télérama" en 2017, soulignant que les femmes sont moins vues comme des rivales et qu'il y a moins de rivalités. Aux côtés de Martine Marignac et Claudie Ossard, elle est ainsi devenue l'une des trois productrices les plus respectées dans un domaine encore largement masculin.
Les Films du Losange ne se concentraient pas sur la rentabilité des films. Au contraire, ils étaient motivés par l'amour du cinéma. Régine Vial souligne que la richesse d'une maison de production réside dans le talent de ses auteurs, qui perdure au fil du temps. Depuis 1986, elle supervise le secteur de la distribution, un élément crucial pour la société.
Surnommée "Marga" par ses pairs, cette personne renforce la collaboration entre la France et l'Allemagne dans le domaine de la création. C'est grâce à elle que des réalisateurs comme Wim Wenders, Margarethe von Trotta, Helma Sanders-Brahms, Rainer Werner Fassbinder (pour le film "La Roulette chinoise") et même Marguerite Duras ont été invités au Losange.
La rencontre avec Michael Haneke a été déterminante pour Menegoz. Le réalisateur de "Funny Games" a remporté deux Palmes d'Or avec la société de production Losange : "Le Ruban" en 2009 et "Amour" en 2012. "Amour a été un film qui a eu une grande importance pour elle", souligne Régine Vial. Ce long-métrage de Michael Haneke n'était pas prévu pour être un succès international, mais il a été vendu dans tous les pays du monde. Grâce à "Marga", Rohmer rencontre un grand succès en Allemagne et aux Etats-Unis.
Margaret a excellé dans l'expansion à l'échelle internationale. Sa maîtrise de trois langues a été un atout crucial, permettant à nos auteurs d'être reconnus à travers le monde. Elle avait le talent de rendre des œuvres exigeantes accessibles à un large public. Avec l'aide de Daniel Toscan du Plantier, ancien collaborateur de Nicolas Seydoux chez Gaumont et responsable d'Unifrance, le duo Menegoz-Vial a propulsé le cinéma d'auteur sur la scène mondiale.
Suite au décès de Daniel Toscan du Plantier, Margaret Menegoz a assumé la présidence d'Unifrance, qui œuvre à la promotion du cinéma français à l'étranger, de 2003 à 2009. Par la suite, elle a également été présidente de l'Académie des Césars en 2020, motivée par sa fidélité et sa passion pour le cinéma.
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Le studio de production Losange entame un nouveau chapitre avec les producteurs Charles Gillibert et Alexis Dantec aux commandes. Après la décision de Margaret Menegoz et Barbet Schroeder de vendre le catalogue de 350 films en 2021, le Losange se voit confier la tâche de maintenir en vie ces œuvres et de perpétuer l'héritage laissé par Margaret Menegoz. Selon Régine Vial, il est essentiel de ne pas laisser un film prendre la poussière sur une étagère, car un film oublié est un film mort. Le Losange devra donc veiller à ce que ces films continuent d'être diffusés et appréciés par le public.
Les noms de Pierre De Gasquet et Adrien Gombeaud
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