Dans sa chronique, Marc Lambron parle de Joan Baez et de son engagement pour les enfants-fleurs dans les années 1960. Elle symbolisait l'espoir d'un avenir meilleur à travers ses luttes. Comment retrouver cette même inspiration dans un été incertain ?

Écrit par Marc Lambron

Au cinéma du Quartier latin, j'ai assisté à la projection du documentaire I Am A Noise, qui explore la vie de Joan Baez. La majorité des spectateurs, environ 90%, étaient des personnes âgées aux cheveux blancs, donnant l'impression d'être des voyageurs sur un navire naviguant vers un archipel oublié. Le film est fascinant, dévoilant les tourments psychologiques de Joan Baez derrière son image de militante au talent vocal exceptionnel. On découvre les troubles cyclothymiques et dépressifs, ainsi que les conflits familiaux entourant les trois sœurs Baez, notamment des allusions à de possibles abus paternels envers Mimi et peut-être Joan. En tant que dernière survivante de sa famille, Joan est amenée à se replonger dans son passé alors qu'elle se retire de la scène. Le documentaire interroge sur les conséquences du succès précoce de Joan Baez, en lien avec les événements marquants des années 1960 tels que le mouvement des droits civiques et l'influence de Martin Luther King. Il explore également la relation complexe entre Joan Baez et Bob Dylan, qui l'a autrefois inspirée avant de la laisser de côté. Comment rester pertinente lorsque le monde change et vous oublie ? Un questionnement similaire à celui vécu par Jean-Luc Godard, autre icône des années 1960, qui a cherché pendant des décennies à retrouver l'éclat de ses premiers films, sans jamais y parvenir.

Une amie m'a raconté qu'elle avait rencontré Joan Baez dans la salle d'attente d'un aéroport au début des années 1990. Elles ont commencé à discuter et la chanteuse a exprimé son regret en disant : "Il est difficile de trouver des causes valables de nos jours." La recherche constante d'une cause à défendre, le militantisme automatique, peut sembler un peu pathétique. Cependant, après avoir vu le film "I Am The Noise", on quitte une femme vivant discrètement dans sa villa en Californie, ayant transformé ses expériences en une conscience profonde, pour atteindre une élégance empreinte d'une dignité émouvante.

Cela m'a fait réfléchir sur l'atmosphère actuelle, l'esprit d'une époque. Comme l'a dit le philosophe espagnol José Ortega y Gasset, il est important de vivre pleinement dans le présent, en évitant les regrets. Il est cependant essentiel de reconnaître les hauts et les bas que l'on traverse au fil des années. Les années 1960 et 70, marquées par le succès de Joan Baez, semblaient promettre un enchantement et une magie possibles, surtout pour la jeunesse de l'époque. Est-ce que nous pourrions dire la même chose de nos jours ? On pense à une chanson du célèbre bluesman BB King, "The Thrill is Gone", le frisson s'est dissipé. Malgré tout, même si l'on se sent loin des possibilités passées, il est toujours possible d'explorer notre monde intérieur, de devenir notre propre guide spirituel, en espérant le retour des moments magiques. C'est ce que je nous souhaite tous en cette période incertaine de l'été.

Marc Lambron

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