mercredi, septembre 11, 2024
Google search engine
AccueilArchitectureJeanne Gang : Quand l'architecture s'inspire du jardinage pour une greffe créative

Jeanne Gang : Quand l’architecture s’inspire du jardinage pour une greffe créative

Jeanne Gang, une architecte renommée basée à Chicago, a été inspirée dans sa vision architecturale par ses premières expériences de jardinage. Depuis de nombreuses années, elle s'efforce d'incorporer des matériaux biosourcés et de favoriser le recyclage dans ses projets. Elle vient de publier un livre fascinant sur "L'Art de la greffe en architecture", explorant la façon de combiner sa passion pour la nature avec son amour pour la construction.

Écrit par Laura Berny

Dans son dernier ouvrage, intitulé "La Greffe en Architecture", Jeanne Gang suggère d'adapter la méthode de greffe utilisée en horticulture à l'architecture et à l'urbanisme, dans le but de réimaginer l'usage des constructions et de combattre le changement climatique. Interview avec une architecte passionnée par son travail, mais aussi par la protection de l'environnement et le développement durable, ainsi que par la connexion qui nous unit aux autres et au monde qui nous entoure.

Est-ce que la nature vous inspire grandement ?

Ayant grandi dans une petite ville où j'aimais passer du temps à l'extérieur, j'ai toujours eu un intérêt pour la nature et les animaux. La protection de l'environnement est un aspect important de ma vie et de mon travail en tant qu'architecte. Mes expériences précoces en jardinage et en observation de la nature ont influencé ma vision de l'architecture comme une forme de greffe. Tout comme les greffeurs de plantes, les architectes peuvent ajouter des éléments à nos bâtiments existants de manière à les améliorer et à les rendre plus durables. Cette approche de conception durable est à la fois créative et gratifiante sur le plan intellectuel.

Quelle est l'origine de l'idée de greffer des éléments architecturaux ensemble ?

J'ai découvert quelque chose d'unique et innovant que je n'avais jamais vu ailleurs, et j'ai pensé que c'était le concept idéal pour illustrer notre responsabilité envers l'environnement et l'architecture. En ajoutant de manière originale aux bâtiments existants, nous pouvons contribuer à leur transformation. Bien que d'autres architectes, comme Lacaton & Vassal, aient également travaillé brillamment avec des bâtiments existants, j'ai remarqué un manque de clarté dans le langage et les concepts liés à cette pratique. Après avoir travaillé sur divers projets de réutilisation de bâtiments en béton et enseigné cette approche à la Harvard Graduate School of Design, j'ai décidé qu'il était temps d'écrire un livre à ce sujet. L'idée de greffer des éléments architecturaux existants vous pousse à être créatif et précis dans votre processus de conception. Ce livre s'adresse spécifiquement à un public déjà familiarisé avec l'architecture, car il ne vise pas à être une encyclopédie, mais plutôt un manifeste dans l'espoir d'inspirer et d'aider d'autres architectes.

Le commencement d'une école inédite ?

C'est possible. En tout cas, je pense que cet outil sera précieux pour réfléchir à tout type de projet.

Est-ce que cela implique que vous ne travaillerez désormais que sur des constructions déjà réalisées ?

Non. Je souhaite simplement que cela puisse influencer les propriétaires de bâtiments. Plutôt que de démolir ou de reconstruire entièrement, comme c'est souvent le cas aux Etats-Unis, j'espère qu'ils réfléchiront à la possibilité de réutiliser les bâtiments existants. En Europe, si un bâtiment historique est en question, plutôt que de chercher à le conserver intact, peut-être pourrions-nous adopter une approche plus ouverte en y ajoutant des éléments contemporains – afin de créer un dialogue entre le passé, le présent et peut-être même l'avenir.

Il semble que le travail soit toujours en cours, n'est-ce pas ?

En effet, c'est exact. On nous a enseigné que l'architecture est une forme d'art permanente. Cependant, si on envisage un bâtiment comme un organisme vivant, il pourrait évoluer et avoir différentes phases au fil du temps.

Quelles sont vos aspirations futures?

Le nouveau Centre John W. Boyer de l'université de Chicago à Paris dans le XIIIe arrondissement sera terminé en novembre. En plus de cela, nous sommes impliqués dans de nombreux autres projets, comme la construction d'un nouveau centre de conférence en bois à Harvard. Nous travaillons également sur un projet bénévole à la cité Falguière, une résidence d'artistes à Paris qui a accueilli des artistes célèbres tels que Gauguin et Modigliani et qui nécessite une importante rénovation.

Jeanne Gang exprime son amour pour les oiseaux en déclarant qu'elle les observe partout où elle va, même en ville. Elle aime sortir tôt le matin pour les regarder et ne part jamais sans ses jumelles.

Quelle est votre opinion sur les récents projets de développement urbain aux États-Unis et dans le reste du monde ?

Il est intéressant de noter que ces projets se présentent souvent comme novateurs, mais en réalité, ils répètent une erreur ancienne en voulant tout reconstruire à partir de zéro. Au lieu de prendre en compte l'écologie, les habitants et la culture déjà présents sur un site, ils pensent que la terre est une page blanche sur laquelle ils peuvent imposer leur propre vision du développement. Or, la terre est habitée par des êtres vivants et chargée d'histoire humaine. Lors de la construction de nouvelles villes, il est essentiel de considérer l'impact environnemental et culturel qu'elles peuvent avoir.

Cependant, il existe déjà eu des exemples de villes utopiques…

En effet, certaines villes se sont efforcées d'être des utopies, en France et ailleurs. Par exemple, dans les régions minières du Nord de la France. Dans ma ville natale de Chicago, je pense à Pullman, une ville planifiée créée au sud de la ville à la fin du XIXe siècle. Le fondateur de la compagnie de tramways Pullman voulait créer une société idéale, mais en réalité c'était une "ville d'entreprise" similaire à ce que les entreprises de la technologie imaginent aujourd'hui, avec des logements pour les ouvriers à proximité des usines. Cependant, une ville ne se résume pas seulement à des logements et des lieux de travail pour être attrayante et prospère.

Quelles sont vos activités préférées pendant votre temps libre ?

Je suis passionné par les oiseaux. Chaque fois que je voyage, même en ville, je me lève tôt le matin pour les observer. Je ne pars jamais sans mes jumelles ! Je reconnais les différentes espèces et je note mes observations sur l'application eBird, développée par l'université Cornell pour un projet de science participative. À Paris, mon endroit préféré pour observer les oiseaux est les Buttes-Chaumont. Il y a une grande variété de plantes et d'arbres, ce qui attire une grande diversité d'oiseaux.

Si vous aviez à faire un choix entre vivre en ville ou en pleine nature, que choisiriez-vous ?

Je trouve difficile de voir la ville et la nature sauvage comme des opposés, car la nature existe aussi dans les zones urbaines. En tant qu'architectes, nous devrions faire plus pour la soutenir et aider à augmenter la biodiversité, en particulier en ville. Un exemple de cela est le projet de la promenade naturelle au zoo de Lincoln Park à Chicago. Dans ce parc de presque 6 hectares, nous avons approfondi l'étang pour fournir plus d'oxygène aux poissons et créer des habitats autour de celui-ci. Le résultat a été le retour de nombreux animaux tels que des chauves-souris, des tortues, des hérons, des mouffettes et des coyotes, grâce à la rénovation de l'étang.

Quels sont les livres qui vous ont le plus touché ou marqué ?

Il est difficile de choisir parmi tant de livres. J'apprécie les travaux de Stephen Jay Gould, un paléontologue et biologiste de l'évolution qui a enseigné à Harvard, ainsi que le livre L'Invention de la nature écrit par Andrea Wulf sur le naturaliste allemand Alexander von Humboldt. Récemment, j'ai été captivé par La Vie des plantes, écrit par le philosophe italien Emanuele Coccia. Comme moi, il explore les thèmes des métamorphoses, de l'hybridation et des liens entre les objets et la nature. Enfin, je possède également tous les livres de Bruno Latour.

Jamais de récit imaginaire ?

Personnellement, je préfère lire des essais, mais je suis souvent en train de lire entre dix et quinze livres en même temps ! J'admire l'écrivaine Margaret Atwood, surtout son livre dystopique La Servante écarlate qui fait écho à la montée du populisme. J'apprécie également le travail d'Aleksandar Hemon, un écrivain bosniaque qui a fui la guerre en ex-Yougoslavie pour s'installer à Chicago. Nous sommes devenus amis. Ses livres, très originaux, traitent des liens qui nous unissent en tant qu'êtres humains, mais aussi avec la nature, le monde et tout ce qui nous entoure. Certains le comparent même à Nabokov !

Qu'est-ce qui vous rendrait le plus heureux en ce moment ?

Je me rends souvent à la Bibliothèque nationale car j'aime beaucoup les livres. C'est un endroit que j'apprécie pour me détendre et passer du temps. Je trouve cet endroit vraiment magnifique.

Découvrez également :

Jeanne Gang, une architecte reconnue

Le nom Laura Bern

Découvrez nos offres Premium !

Nos vidéos

Qui remporte vraiment dans les paris sportifs en ligne ?

Les pays du sud de l'Europe font leur retour en force : Portugal, Espagne, Grèce

Les jeunes éprouvent-ils des difficultés avec le monde du travail ?

Est-ce que la concurrence dans le secteur ferroviaire peut faire baisser les prix des billets de train ?

Les articles les plus populaires

Comment les écrivains font face à l'isolement : Où es-tu perdue dans ce désert ?

Exploration des couleurs : La richesse de l'insecte rouge

Exploration des couleurs : L'indigo tire sa révérence

En tête d'affiche

Le temps presse pour Emmanuel Macron

Les constructeurs automobiles sont sous pression face aux faibles ventes de voitures électriques en Italie, Espagne, Pologne, etc.

La SEC enquête sur des grandes banques américaines pour escroquerie envers leurs clients

Livres & Expositions

Les mystères de l'arsenic et du vert mortel

Exploration des couleurs : La richesse de l'insecte rouge

Joel Meyerowitz nous emmène dans un voyage initiatique à travers l'Europe à Malaga

Informations pratiques

P

L'Ensemble

Copyright – Les Echos 2024, tous droits réservés.

RELATED ARTICLES
- Advertisment -
Google search engine

Most Popular

Recent Comments