Le défi de l'éducation des enfants et le risque de favoriser un comportement de "roi"
Le Conseil de l'Europe recommande d'élever son enfant en tenant compte de sa personnalité. Mais comment éviter de le laisser devenir un enfant gâté ? Comment encourager son indépendance tout en maintenant l'autorité des parents ? Comment lui donner la liberté de s'épanouir tout en fixant des limites claires ? Il existe de nombreuses méthodes et conseils pour naviguer dans ce délicat équilibre éducatif.
Écrit par Fanny Guyomard
Selon Desproges, l'éducation est essentielle car elle permet d'éviter de graves conséquences. Les parents ont une grande responsabilité dans l'éducation de leurs enfants, comme en Chine où ils peuvent être sanctionnés s'ils ne le font pas correctement. Aux Etats-Unis, les parents du lycéen responsable d'une fusillade ayant causé la mort de quatre élèves en novembre 2021 ont été condamnés pour homicide involontaire en avril dernier. Éduquer ses enfants est un défi difficile, car cela peut être comparé à naviguer à l'aveugle au milieu de perturbations, avec des conseils souvent contradictoires.
Marie, maman d'un petit garçon de 2 ans, avait soigneusement préparé l'arrivée de son enfant en achetant une dizaine de livres sur les bienfaits des massages pour lui et sur la manière de l'élever dans le respect de l'égalité des sexes. Elle s'est inscrite à une application où des experts en santé peuvent la conseiller à tout moment. En suivant les recommandations les plus récentes en matière d'éducation, Marie découvre qu'il est préférable d'éviter de dire "non" à son fils, car cela pourrait déclencher une crise de colère – et elle a lu sur son application que la colère peut endommager le cerveau.
Approche bienveillante de l'éducation
Selon le témoignage de la personne, il est préférable de formuler les interdictions de façon positive, en proposant par exemple de manger du chocolat après le plat principal. Cela demande plus d'efforts que simplement dire "non", mais permet d'éviter les négociations. Ses parents ne se prenaient pas la tête avec cela, il n'y avait pas de discussions à ce sujet. De même, le psychologue américain Thomas Gordon, auteur du livre à succès Parents efficaces (1970), recommande d'utiliser des phrases comme "j'ai besoin que tu arrêtes de crier pour comprendre" plutôt que des reproches directs comme "tu me casses les oreilles".
La jeune mère suit les recommandations récentes sur l'utilisation des écrans, en gardant les enfants de moins de 3 ans loin des écrans autant que possible. Une commission d'experts a même averti en avril que l'hyperconnexion des enfants pourrait menacer l'avenir de notre société. Pourtant, dans le passé, regarder la télévision était un moment de repos pour les parents, mais maintenant cela peut être épuisant de s'occuper constamment des enfants.
Après avoir consulté une psychologue, il a été conclu que l'approche de l'éducation positive avait eu un impact significatif sur ma dépression. Il était clair que je me mettais trop de pression sur moi-même.
Cependant, il est essentiel d'éduquer de manière appropriée ce jeune individu en suivant les directives de la "parentalité positive" recommandées en 2006 par le Conseil de l'Europe. Pour favoriser son épanouissement, les parents doivent prendre en compte le bien-être de l'enfant, encourager son indépendance, le considérer comme un individu à part entière, le guider et lui fixer des limites de manière non violente.
Écrit par Chiara Ghigliazza pour la publication Les Echos Week-End.
Les parents trouvent que crier est trop violent et empirer la situation, selon Marie. Ils pensent que laisser Lucien crier la nuit est cruel et ont vécu deux ans sans nuits complètes. La designer d'interface, épuisée par le manque de sommeil, a fini par faire un burn-out et envisage une thérapie avec un coach du sommeil.
En discutant avec une psychologue, j'ai réalisé que le fait de mettre trop d'importance sur l'éducation positive avait contribué à ma dépression. On nous présente souvent cette approche comme une façon de rendre nos enfants meilleurs, en adoptant une parentalité plus calme et moins sujette aux cris et aux frustrations. Cependant, j'avais été trop permissive, je n'avais pas imposé de limites assez fermes à mon enfant. Maintenant, j'ai changé ma manière d'aborder l'éducation en trouvant un équilibre qui me convient, en tenant compte de mes propres limites. Cette approche a eu un impact positif sur mon enfant, mon couple, mon travail et ma vie en général.
L'importance de l'individu
En voulant trop prendre soin des autres et mettre les enfants au centre de l'attention, ne risque-t-on pas de les transformer en petits rois ? Ces individus peuvent devenir épuisants pour leur entourage et pour les futurs employeurs, qui constatent l'émergence d'une génération de travailleurs cherchant l'autonomie et l'instantanéité, anxieux quant à leur avenir et individualistes. Cette valorisation de l'individu est devenue la norme en Occident, selon le sociologue et historien Christopher Lasch dans son ouvrage de 1970 intitulé La Culture du narcissisme. La multiplication des images, les idéologies thérapeutiques, la rationalisation de la vie intérieure et le culte de la consommation mènent à une philosophie axée sur la satisfaction des besoins immédiats et le bien-être personnel.
En 1989, le psychologue Daniel Kemp propose, dans son ouvrage intitulé Le Syndrome de l'enfant Téflon (nommé ainsi en référence à une marque de revêtement anti-adhésif), l'émergence d'une nouvelle génération d'enfants, à la fois intelligents et manipulateurs, ne connaissant pas la culpabilité. Ces enfants sont décrits comme étant en opposition avec les enfants plus traditionnels, qui valorisent l'idée de faire plaisir aux autres, de les aider et de penser à leur bien-être.
Selon le pédopsychiatre Daniel Marcelli, il était autrefois nécessaire de se conformer strictement aux règles de la famille, du clan ou de la tribu, ce qui a entraîné de nombreux enfants à présenter des symptômes tels que la peur, l'inhibition et la souffrance. Aujourd'hui, l'accent est mis non pas sur la politesse de l'enfant, mais sur le développement sans obstacles ni altérations du potentiel lié à ses compétences.
Sentiment de pouvoir absolu
Problème : avec chaque enfant ayant des talents uniques, l'éducation s'est adaptée à chaque individu. Pour les enfants, cela peut apporter de nombreux avantages : une meilleure estime de soi, des relations plus faciles avec les adultes qui sont là pour les aider, une curiosité plus développée… Cependant, il y a aussi des inconvénients. L'attitude narcissique et l'affirmation de soi constante renforcent le sentiment de toute-puissance chez l'enfant. L'indépendance peut également provoquer de l'anxiété, surtout à un âge où les conséquences des choix ne sont pas toujours claires. La stimulation peut rapidement devenir de l'excitation.
Daniel Marcelli affirme que parler de l'enfant roi revient à le blâmer. Depuis cinquante ans, ce concept est de plus en plus discuté. Selon lui, l'enfant est également victime de l'idéologie du choix, qui encourage une autonomie excessive et la satisfaction immédiate des désirs. Cependant, cette satisfaction ne dure pas, et l'enfant se retrouve alors pris dans une spirale de désirs incessants. Pour Marcelli, l'éducation consiste à apprendre à renoncer et à accompagner l'enfant dans ses choix, dans une société qui valorise trop l'idée de choix et de consommation.
Les enfants anxieux qui bégayent ont maintenant été remplacés par des individus présentant des troubles de l'attention – avec ou sans hyperactivité – et sujets à des crises de colère lorsqu'ils ne peuvent pas utiliser d'écrans. Daniel Marcelli déplore également la multiplication des comportements externes chez les adolescents, tels que les scarifications, les tentatives de suicide, les comportements agressifs et les troubles alimentaires. Il souligne cependant que la plupart des enfants et des adolescents vont mieux qu'auparavant, étant plus ouverts, curieux et à l'aise dans leur corps, sans craindre les adultes comme leurs aînés. En revanche, ceux qui vont mal – même avec le soutien d'une famille attentive – expriment leur mal-être de manière plus bruyante, que ce soit à la maison ou à l'école.
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Comment faire face à un enfant difficile, impatient, agressif, agité, provocateur, lunatique, et imprévisible ? De nombreux livres ont été écrits sur le sujet, tels que Elever son enfant différemment, 50 conseils pour aider un enfant ayant des difficultés de concentration, Mon enfant frappe, Comprendre et gérer un enfant hyperactif… Nous nous intéresserons à celui de la psychologue Isabelle Roskam, intitulé Mon enfant est insupportable ! Comprendre et soutenir les enfants difficiles (Editions Mardaga), dans lequel elle explique que les enfants ayant un tempérament irritable et peu tolérant à la frustration auront besoin d'un contrôle accru.
Il est important d'établir des règles claires et de les expliquer clairement aux enfants. Cependant, il est déconseillé de punir les enfants en les mettant à l'écart pour une durée déterminée (appelée la méthode du "time out"), car cela peut être trop sévère selon les recherches. Il est également recommandé d'éviter la fessée, le chantage émotionnel et l'ignorance des besoins de l'enfant. Au lieu de cela, il est préférable d'adopter des attitudes chaleureuses, d'être sensible aux besoins de l'enfant, de l'encourager à devenir autonome et d'expliquer clairement et justifier les règles établies. Il est important d'imposer des limites, de permettre à l'enfant de ressentir de la frustration, de l'écouter et de lui donner des explications.
© Chiara Ghigliazza pour le magazine Les Echos Week-End
Il est important de parler le même langage que l'enfant pour qu'il comprenne les explications. Plutôt que d'expliquer les conséquences du retard de Papa au travail à Lucien, il est recommandé de lui faire des demandes simples, courtes et ritualisées en se mettant à sa hauteur pour attirer son attention. Isabelle Roskam souligne l'importance de communiquer de cette manière. Il est également conseillé de parler avec un vocabulaire varié à l'enfant pour stimuler son langage.
Le fait de punir ne signifie pas forcément montrer sa supériorité. En réalité, nous punissons souvent par manque de confiance en notre propre autorité.
Que faire si l'enfant ne suit pas les consignes ? Selon le livre J'ai tout essayé! de la psychothérapeute et influenceuse Isabelle Filliozat, donner des ordres est une compétence qui demande de la finesse. Pendant la période de 1 à 5 ans, il est fréquent de rencontrer des oppositions, des pleurs et des crises de colère chez l'enfant. Une astuce pour les parents est de formuler des consignes plutôt que d'interdire, car cela permet de focaliser l'attention sur le comportement souhaité. Plutôt que de donner un ordre sec du type "Va te coucher !", Isabelle Filliozat recommande de donner une information, par exemple "Il est l'heure d'aller au lit, demain tu as une journée chargée".
Il est important de réfléchir aux conséquences de nos actions, plutôt que de simplement punir. Selon la psychologue, punir ne signifie pas établir son autorité, mais plutôt manquer d'autorité. La sanction peut stresser l'enfant et l'empêcher de réfléchir. Il est préférable de l'encourager à réfléchir aux conséquences de ses actes en l'impliquant dans leur réparation. Par exemple, s'il casse un verre, il peut aller chercher une pelle et un balai pour nettoyer. De même, si un enfant est en colère, lui reconnaître ses émotions et l'aider à les exprimer est plus bénéfique que de le gifler, ce qui peut être humiliant et difficile à comprendre pour lui.
Lorsqu'un jeune enfant se comporte mal pendant un jeu, il est important d'arrêter l'interaction. Plutôt que de le laisser seul pour réfléchir à ses actions, l'adulte devrait prendre une pause pour se calmer s'il est en colère. Imposer une pause est plus efficace à l'adolescence, vers l'âge de 12 ans, lorsque l'enfant est capable de prendre du recul et d'analyser son comportement, selon Isabelle Filliozat.
Il n'est pas toujours simple de comprendre ce qu'il faut faire. Certains spécialistes de l'éducation des enfants se basent sur des études menées sur des animaux comme les rongeurs… En ce qui concerne le conseil de permettre à l'enfant d'exprimer ses émotions, il ne précise pas qu'il est toujours approprié de le faire, surtout lorsque les émotions sont négatives. Ces consignes contradictoires sont vraiment compliquées à suivre…
Par exemple, Lucien a l'habitude de se heurter délibérément la tête contre les murs. Sa famille est partagée entre l'avis du médecin, qui pense qu'il doit réaliser par lui-même que cela lui fait du mal, et celui du psychologue, qui recommande de l'accompagner, de lui expliquer comment gérer sa colère et de lui trouver des alternatives comme des livres sur les émotions. Malgré cela, Lucien continue de se frapper la tête et cela inquiète sa famille, surtout lorsqu'il se présente à la crèche avec des bleus sur le visage.
En plus des conseils du médecin et de la psychologue, il y a aussi ceux de la Protection maternelle et infantile, du carnet de santé de Lucien, d'influenceuses comme Anna Roy, des parents… Chacun défend des approches différentes, basées sur leur expérience et des études qui considèrent la parentalité comme une science. Cependant, la journaliste spécialisée en éducation et en parentalité Béatrice Kammerer rappelle dans son livre "L'Education vraiment positive" que de nombreuses règles qui étaient autrefois incontestables sont maintenant considérées comme obsolètes.
Pensons par exemple à l'utilisation répandue, depuis l'Antiquité jusqu'au XIXe siècle, de remèdes à base d'opium pour apaiser les pleurs des nourrissons ou faciliter leur sevrage, ou encore à la pratique – tout aussi répandue jusqu'au XXe siècle – de la masturbation des bébés par les nourrices pour les endormir ! Il est important de ne pas suivre aveuglément des règles, mais de chercher à en comprendre la logique, comme le dit ce proverbe : donne un poisson à un homme, il mangera un jour ; apprends-lui à pêcher, il mangera toute sa vie.
Une organisation formée par plusieurs gouvernements qui établit des règles légales concernant la protection des droits de l'homme.
La journée du "Oui"
Lors de la journée du "Oui", inspirée des Etats-Unis, les parents doivent accepter les demandes de leurs enfants… dans la mesure du raisonnable. Est-ce une manière de glorifier l'enfant roi ? Ou plutôt une occasion de revoir certaines habitudes, la notion de ce qui est "raisonnable". Pourquoi dit-on souvent "non" à son enfant lorsqu'il veut porter des chaussettes différentes ? Pourquoi ne pas essayer en famille une nouvelle activité et en discuter ? Explorer de nouveaux jeux, cuisiner des plats originaux… De quoi réfléchir.
Nom: Fanny Guyomard
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