Philippe Tapie, le nouveau président de Bordeaux Négoce, a été élu en avril dernier, juste avant le lancement de la campagne Primeurs 2023, dans un contexte de crise viticole à Bordeaux. Dirigeant de la maison spécialisée HMS, qui se concentre sur les grands vins, il plaide pour une revalorisation des primeurs afin de stimuler l'ensemble de la filière vinicole.
Écrit par Jean-Francis Pécresse
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Ré
Concernant les domaines viticoles, de nombreuses inquiétudes circulent à propos de la récolte des primeurs 2023 : est-elle de mauvaise qualité ?
Elle est très active dans le domaine commercial. Les négociants sont en contact direct avec les clients, et de nombreux acheteurs asiatiques ont été présents à Vinexpo Hong-Kong – événement qui n'avait pas eu lieu depuis 2018. Les châteaux ont réagi en baissant considérablement leurs prix, et tout le monde travaille dur. Cependant, le contexte géopolitique mondial est très tendu, ce qui entraîne une forte méfiance. Ce n'est pas seulement une question de prix, mais aussi d'ambiance générale. La situation n'est pas favorable non seulement pour Bordeaux, mais aussi pour le Champagne, le Rhône, la Bourgogne, et d'autres régions. Les propriétés sont conscientes des difficultés du marché actuel. Elles se souviennent sûrement avec nostalgie de l'époque où les ventes commençaient à 8 heures du matin et se terminaient à midi… mais cette époque d'euphorie est révolue.
Cependant, nous sommes déjà à la fin du mois de juin, et il y a encore beaucoup d'acheteurs qui n'ont pas encore pris de décision…
Une campagne qui s'étale sur une longue période n'est pas nécessairement négative. En espaçant les sorties sur deux mois, en mai et juin, nous retrouvons un rythme similaire à celui d'avant la pandémie de Covid-19. Étant donné la diminution de la spontanéité des achats, il est essentiel de prendre le temps de travailler. Nous ne sommes pas non plus dans un secteur en circuit court, où les intermédiaires sont nombreux… Nous ferons le bilan en septembre.
En avril, vous avez remporté les élections pour devenir le chef de Bordeaux Négoce. Quels sont vos objectifs pour ce mandat ?
En plus du changement de direction, les 80 membres de Bordeaux Négoce ont pris le temps d'analyser en profondeur lors de nombreuses heures de discussions, dont les conclusions ont été regroupées dans ma feuille de route. Le premier constat est que Bordeaux souffre d'un manque de réputation. Il est important de ne pas hésiter à promouvoir un Bordeaux moderne, contemporain et accessible, en explorant de nouvelles pistes, comme cela a été fait pour le bio il y a dix ans. De plus, il est crucial d'utiliser le prestige des grands crus pour impliquer toute la chaîne de production : les grands châteaux ne doivent pas être isolés du reste de Bordeaux. Il existe des produits exceptionnels tant chez les grands producteurs que chez les petits. Enfin, il ne faut pas oublier que le vin est fait pour être consommé : il est nécessaire de limiter la spéculation excessive autour des grands vins. La spéculation est importante, mais à dose modérée.
Est-ce nécessaire de perturber fortement l'ordre établi ?
En mettant l'accent sur l'importance du vin et des consommateurs, la régulation se fera de manière naturelle. Il est de la responsabilité de tous les acteurs du secteur, qu'ils soient négociants, propriétaires ou courtiers. Il est essentiel d'arrêter les conflits et de maintenir un équilibre des pouvoirs, dans l'intérêt de chacun.
Il est important de se reconnecter avec l'essence des primeurs : ils se caractérisent principalement par leurs quantités et leurs tarifs avantageux. Ces offres n'ont pas de valeur sans des quantités significatives et la garantie pour le client de les acquérir à un prix plus bas.
Est-ce que la présence de 300 maisons de négoce à Bordeaux est excessive ?
Non, car il est important d'avoir une variété d'entreprises, qu'elles soient petites, grandes, généralistes ou spécialisées, même si 80% de l'activité provient de 20% des sociétés. La diversité contribue à la richesse de l'économie.
Est-ce qu'il y a une surabondance de réductions sur les tarifs de revente ?
Il est crucial de reconnaître que l'un des problèmes majeurs dans le monde du commerce est le manque d'engagement envers ses convictions. Il est important de ne pas acheter à un prix inapproprié simplement pour maintenir son quota et ensuite faire chuter les prix. Dans de telles situations, il est primordial de refuser de prendre position, de rester ferme pour éviter des conséquences désastreuses. Il est également essentiel de comprendre que l'attribution n'est pas un privilège acquis, mais plutôt une récompense basée sur le mérite. Il est crucial de tenir compte des nouvelles réalités liées aux taux d'intérêt : le financement n'est pas le même pour une campagne à 1 % que pour une à 5 %. Actuellement, vendre avec une réduction de 8 % équivaut à vendre à perte.
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Est-ce qu'il y a assez de volumes mis en vente en avant-première sur le marché ?
Certains éléments clés du fantasme des livrables sont de retour. Il est important de se rappeler que les primeurs sont principalement basés sur des volumes et des prix. Ces derniers n'ont de sens que s'ils sont vendus en grande quantité et à un prix avantageux pour le client. Pourquoi un client continuerait-il à avancer de l'argent pendant quarante-huit mois aux châteaux s'il n'est pas certain d'en tirer profit ? Les primeurs bordelais sont uniques dans le monde entier. Il est crucial de les remettre au premier plan afin de créer une dynamique bénéfique pour toute la chaîne d'approvisionnement.
L'auteur du texte est Léa
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