"Le Grand Icare de Francis Ford Coppola" : un film très attendu à Cannes

Parmi tous les films sélectionnés pour le festival de Cannes, "Megalopolis" de Francis Ford Coppola était sans aucun doute celui qui suscitait le plus d'attentes. Ce nouveau film est une œuvre monumentale, déconcertante, à la fois étrange et totalement originale.

Écrit par Adrien Gombeaud

Le jeudi 16 mai 2024, à sept heures trente du matin, deux autocars transportant des critiques de cinéma quittaient le Palais des festivals de Cannes pour se rendre dans le quartier de La Bocca. Le dernier film de Francis Ford Coppola devait être visionné dans une salle Imax, offrant une qualité sonore exceptionnelle et des sièges inclinables. Au-delà d'un simple film, "Megalopolis" promettait d'être une expérience cinématographique immersive.

Alors que le groupe encore endormi se dirigeait vers le cinéma multisalles, on se remémorait l'histoire passionnante de ce projet. Coppola est un réalisateur exceptionnel qui a créé des chefs-d'œuvre tels que « Le Parrain » ou « Apocalypse Now », mais aussi des films moins mémorables comme « Jack ». Son film le plus récent, « Twixt », est sorti en 2011. Quant à son dernier grand succès, « Dracula », il remonte à 1992.

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Le réalisateur a travaillé sur le projet « Megalopolis » pendant quatre décennies. Faute de soutien financier, il a décidé de financer lui-même ce projet en mettant en gage une partie de ses vignes. Le scénario a subi de nombreuses modifications, jusqu'à ce que le tournage débute en automne 2022. Près de deux ans plus tard, en entrant dans le cinéma vide, on avait l'impression d'être face à une œuvre monumentale cachée sous un drap. Enfin, les lumières se sont éteintes et « Megalopolis » a commencé.

Dans un monde décadent, la ville de New Rome sombre dans le désespoir pendant que certains privilégiés se livrent à des fêtes et se battent pour le pouvoir. Deux visions divergentes de l'avenir s'affrontent : César Catilina, un architecte de talent, souhaite construire une nouvelle cité utopique à partir de zéro. De l'autre côté, le maire Franklyn Ciceron prône une approche conservatrice et mise sur les traditions anciennes. Sa fille Julia tombe amoureuse de César, tandis que des groupes fascistes gagnent en popularité.

"Megalopolis" est un film qui se déroule dans un futur incertain et qui met en scène la rivalité entre Catilina et Cicéron, qui a divisé la République romaine au premier siècle avant J-C. Ce projet permet à Coppola de réaliser son premier film de genre Péplum. Il n'hésite pas à inclure des scènes de fêtes, des courses de chars et des dialogues en latin. Mais il pousse plus loin en intégrant des éléments fantastiques, comme une main géante saisissant la lune, rappelant les rêves de Méliès, ou l'écran se brisant en morceaux à la manière du film "Napoléon" d'Abel Gance. De plus, un personnage, peut-être un figurant ou un membre de l'équipe de tournage, apparaît devant l'écran avec un micro pour interagir brièvement avec les images, dans un style rappelant "La Rose Pourpre du Caire" (on ne sait pas si cette scène sera incluse dans la version finale du film)…

Francis Ford Coppola aspire à explorer toutes les avenues du cinéma, repoussant les limites de l'art. Cependant, c'est le public qui se trouve saturé. Le message du film s'est égaré dans un tumulte où l'intrigue est devenue floue. Est-ce que les acteurs saisissent réellement le sens de ce qu'ils interprètent ?

Pendant la tempête, Coppola rappelle le lieutenant-colonel d'«Apocalypse Now» qui surfait sous les bombes. «Megalopolis» est particulièrement touchant lorsqu'on reconnaît ses personnages. Par exemple, dans la première scène vertigineuse, Catalina réalise que sa vie est fragile et qu'il a le pouvoir de figer le temps. Il finit par le perdre… pour ensuite le retrouver en tombant amoureux.

Le réalisateur Francis Ford Coppola a fréquemment exploré le thème du temps qui passe à travers ses films, de « Peggy Sue s'est mariée » à « L'homme sans âge ». La dédicace de ce dernier film à sa femme Eleanor, décédée récemment, ajoute une touche émouvante.

Lorsque la lumière s'est allumée, le soleil brillait déjà haut dans le ciel de Cannes. Les critiques du monde entier sont retournés vers l'autobus, complètement désorientés. Le film "Megalopolis" rappelle le concept du "Chef-d'oeuvre inconnu" du peintre Frenhofer dans le court roman de Balzac : un tableau qui, après avoir été peint, repensé, repeint, corrigé à maintes reprises, finit par perdre tout sens. Nous étions comme les amis de l'artiste, perplexes devant un mélange de couleurs et de lignes étranges formant une sorte de mur de peinture. Mais en observant un petit coin de la toile, nous avons soudainement été frappés par la beauté éblouissante d'un fragment préservé de la lente destruction de l'œuvre.

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Dans le film "Megalopolis", il y a un moment poignant où Julia explique que le temps est la principale substance des artistes, que les musiciens et les écrivains ont le pouvoir quasi-divin de le manipuler. Cependant, dans la conclusion, Catilina exprime sa détresse : malgré les nombreuses possibilités, le temps qui nous est donné est malheureusement limité. Ainsi, "Megalopolis", malgré ses longueurs, ses excès et sa chute tragique, explore le destin qui rend chaque vie incomplète. À 85 ans, Coppola s'est identifié naturellement à Catilina de l'antiquité, qui, selon les mots de Salluste, visait toujours l'impossible, trop loin et trop haut.

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Long-métrage américain réalisé par Francis Ford Coppola

Starring Adam Driver, Nathalie Emmanuel, and Aubrey Plaza. Coming to theaters on September 25th.

Adrien Gombeaud

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