Décès de Bill Viola, un pionnier de l'art vidéo

Le précurseur de l'art vidéo est décédé à l'âge de 73 ans des suites de la maladie d'Alzheimer. Inspiré par les artistes anciens, passionné de littérature et de haute technologie, il avait orienté sa carrière vers la création d'œuvres de plus en plus grandioses à la fin de sa vie. Parmi celles-ci, on retrouve son travail pour l'opéra de Paris, notamment sa création pour « Tristan et Isolde » de Wagner.

Écrit par Judith Benhamou

Encore aujourd'hui, l'art vidéo est souvent considéré comme moins important que la sculpture et la peinture par le grand public. Cependant, Bill Viola, un artiste américain reconnu pour ses œuvres en mouvement, a réussi à être accepté dans les milieux artistiques les plus prestigieux. Malheureusement, il est décédé le samedi 13 juillet à l'âge de 73 ans des suites de la maladie d'Alzheimer. Il a été un pionnier dans ce domaine, créant des vidéos grandioses en grand format qui mettent souvent en scène des moments de l'existence tels que la douleur, l'attachement, ainsi que des éléments essentiels à la survie humaine comme l'eau et le feu, en les faisant évoluer au ralenti.

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Un événement marquant de son enfance a influencé sa création ultérieure : à l'âge de six ans, il a failli se noyer et a été sauvé in extremis par son oncle. Cette expérience effrayante lui a laissé une impression durable, une sensation de flottement en apesanteur, un moment suspendu et une lumière bleue céleste irradiante. Bill Viola aimait dire qu'il était né avec la vidéo. L'artiste était un mélange unique de mysticisme – bien qu'il se décrivait comme non croyant -, de passion pour la littérature et la philosophie, de références aux artistes anciens et bien sûr de technologie de pointe.

Il résidait à Long Beach en Californie et avait de plus en plus de difficultés à se déplacer depuis qu'il avait été diagnostiqué avec une maladie en 2012, selon le Los Angeles Times. C'était sa femme, Kira Perov, qui organisait les expositions, notamment la rétrospective qui a eu lieu au Grand Palais à Paris en 2014. Au fil du temps, le style visuel de Viola avait évolué vers un cinéma muet avec des effets spectaculaires dignes d'Hollywood. On peut repérer des similitudes entre l'esthétique de son œuvre "Quintette des étonnés" de 2000 et le film "Quo Vadis" de 1951 réalisé par Mervyn LeRoy. Les deux présentent un impressionnant catalogue d'expressions ralenties.

Bill Viola appréciait mêler ses installations vidéo contemporaines avec des œuvres d'art anciennes, créant ainsi un contraste saisissant. En 2003, la National Gallery de Londres avait été pionnière en présentant ses œuvres. En 2019, une exposition exceptionnelle avait été organisée par Martin Clayton, conservateur des dessins de la collection de la Reine d'Angleterre, mettant en avant quinze feuilles de Michel-Ange aux côtés de douze œuvres monumentales de Bill Viola. Le résultat était impressionnant.

En 2023, en France, l'œuvre de Viola a été présentée à l'Opéra de Paris lorsqu'un metteur en scène américain, Peter Sellars, a mis en scène pour la sixième fois l'opéra de Wagner, "Tristan et Isolde", dirigé par Gustavo Dudamel. Pendant la représentation, un écran de 11,7 X 6,7 mètres diffusait en parallèle aux chanteurs une interprétation de l'œuvre de Wagner par Bill Viola.

Peter Sellars expliquait que pour financer la production de ces 5 heures d'images, Bill Viola a vendu des extraits à des collectionneurs privés ou à des musées. En effet, aucune institution n'aurait pu assumer le coût d'une telle oeuvre. La réalisation a nécessité des ressources dignes d'Hollywood, des hangars d'avions, de grandes équipes et même un mur de feu, mais aussi des prises de vue plus simples, comme celle face à la mer à Long Beach. Bill Viola, connu pour ses couchers de soleil magnifiques et mythiques, nous transporte dans des lieux cosmiques. La grandeur du projet est impressionnante.

Judith Benhamou

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