Tony Estanguet, président de Paris 2024 et triple champion olympique de canoë slalom, a lancé le compte à rebours J-100 pour les Jeux olympiques de Paris 2024 le 17 avril. Malgré les défis et les critiques des politiques, partenaires et opposants aux JO, il garde son calme. Sa résilience et sa détermination sont admirables.
Écrit par Philippe Besson
En résumé, selon la maire de Paris, il est probable que les transports ne soient pas prêts pour l'événement, ce qui pourrait conduire à des métros bondés et des embouteillages importants. De nombreux Parisiens envisagent déjà de quitter la ville, anticipant des perturbations similaires à celles d'un tsunami. Le ministre de l'Intérieur met en garde contre le risque d'attentats terroristes pendant la compétition. Les extrémistes de gauche soutiennent les mouvements de grève, tandis que ceux de droite critiquent l'absence d'une croix catholique sur l'affiche officielle et la possible participation d'Aya Nakamura à la cérémonie d'ouverture.
En dehors de cela, les propriétaires d'hôtels et d'appartements ont parfois augmenté leurs tarifs de location jusqu'à quatre fois, exploitant les touristes. De plus, les médias russes ont averti de la présence de punaises de lit dans les trains et les médecins prédisent une augmentation des maladies sexuellement transmissibles. Ces Jeux olympiques, un événement mondial qui se produit seulement une fois par siècle dans notre pays, moins fréquemment qu'une éclipse solaire, étaient censés être une célébration populaire, mais semblent être une déception. Par conséquent, la première question à poser au président de Paris 2024, en tant qu'organisateur principal, serait : "Comment allez-vous ?"
A chaque fois qu'on lui pose une question, Tony Estanguet, avec son apparence élancée et décontractée, affiche son célèbre et grand sourire qui ne le quitte jamais. Il a choisi d'être un symbole positif et rayonnant au milieu des personnes négatives, apportant une touche rassurante dans un environnement parfois difficile. Sa force de conviction et son charisme nous font presque tomber à genoux pour le remercier.
Tony Estanguet a déclaré qu'il ressent parfois une grande fatigue et même de l'épuisement, mais il est soutenu par une énergie qui le surprend lui-même. Cette citation a été donnée à Yann Rabanier pour Les Echos Week-End.
Cependant, il est légitime de se demander s'il essaie simplement de maintenir son image ou si c'est son calme légendaire qui transparaît. Est-ce que le stress le consume mais qu'il a décidé de ne pas le montrer ou est-ce qu'il ne perd jamais son sang-froid et sa détermination qui l'ont aidé à devenir le grand champion qu'il a été. On lui demande directement. « Bien sûr, il y a des moments où je suis très fatigué voire épuisé, mais je suis porté par une énergie qui me surprend moi-même. J'ai passé vingt ans de ma vie seul dans un canoë, donc cette aventure collective me stimule. » Est-ce qu'il n'a jamais abandonné face à l'adversité ? « Je reste fort. Je suis un compétiteur dans l'âme. J'ai gardé la passion de la victoire. » Son regard s'illumine immédiatement.
La vague de critiques envers les Jeux olympiques, qu'en pense-t-il ? Il réfléchit et répond : "C'était presque inévitable. On m'avait même prévenu à ce sujet. Sebastian Coe, l'organisateur des Jeux de Londres, m'avait déjà mis en garde. Je ne suis pas vraiment surpris." Il n'est pas surpris, mais est-il contrarié ? Il préfère relativiser en ajoutant : "Plus de 60 % des Français ont une opinion positive sur les Jeux, alors qu'en 2020, en dernière ligne droite, 85 % des Japonais étaient opposés à la tenue de la compétition à Tokyo."
On le pousse légèrement pour qu'il ne se contente pas des discours préparés par des communicants dévoués. Il admet que la période actuelle n'est pas facile : « Nous sommes en pleine période électorale. À chaque fois qu'il y a une élection en vue, la tension monte. » C'est un joli euphémisme. « Et les médias aiment dramatiser ce qui ne va pas », ajoute-t-il. Il a raison car il est vrai que les chaînes d'information et les réseaux sociaux sont le terrain de jeu privilégié du pessimisme et du catastrophisme.
Lorsqu'on lui demande si les Jeux Olympiques ne reflètent pas simplement la tristesse de la France, il ne le nie pas. Cependant, il insiste sur le fait qu'il a une mission à accomplir, un défi à relever : "Pour ma part, je reste concentré." Il est préférable en effet de garder une certaine distance. Sa clairvoyance, finalement, le sauve : "Ma performance sera évaluée après la cérémonie de clôture. À ce moment-là, toutes les controverses seront oubliées."
Malgré les critiques envers les Jeux Olympiques, Tony Estanguet reste focalisé. Il explique que passer vingt ans à pratiquer le canoë en solitaire lui a donné une force et que cette expérience collective le motive encore plus. Il porte un manteau en laine de la marque Louis Vuitton. Photo de Yann Rabanier pour le magazine Les Echos Week-End.
Il commence à énumérer les bonnes nouvelles : "Dès l'ouverture de la billetterie, les gens se sont précipités sur les places. L'appel aux volontaires a dépassé toutes nos attentes, même s'il s'agit de bénévoles qui devront être présents tous les jours pendant trois semaines." Il pourrait également se vanter du fait que le budget n'a pas explosé, que des quartiers entiers ont été rénovés, que les transports ont été améliorés. Il le mentionne de cette manière : "Nous avons obtenu 1,2 milliard d'euros de sponsoring !". Cela montre vraiment l'enthousiasme autour de cet événement !
En ce qui concerne son rôle de VRP infatigable et de collecteur de fonds précieux, il admet que travailler avec des partenaires n'était pas son domaine de prédilection. Il a dû acquérir des compétences en persuasion, en négociation et en conclusion de contrats, en s'appuyant sur son charme et son langage commercial acquis notamment à l'Essec. Il est fier d'avoir réussi à attirer ces partenaires : "C'est moi qui les ai démarchés. Et lorsque l'on y parvient, c'est une satisfaction réelle." Cependant, il exprime un regret : "Nous n'avons pas bien communiqué à ce sujet. Certains pensent encore que nous gaspillons de l'argent public alors que 96 % des coûts de l'organisation sont supportés par le secteur privé." Il prend note de cette situation.
L'histoire débute du côté d'Oloron-Sainte-Marie. Mais comment a-t-il réussi à résister et continue-t-il à le faire face à la pression ? Il est clair qu'il a su garder son calme, ne s'exprimant jamais de manière inappropriée. Son obstination admirable à atteindre son objectif de réussir les Jeux les plus magnifiques, spectaculaires et généreux, offrant même une autre perspective du monde en pleine période de conflits en Ukraine ou au Moyen-Orient, y est sûrement pour quelque chose. Ses qualités reconnues par tous ceux qui l'ont côtoyé, telles que sa méticulosité, son perfectionnisme, sa ténacité et sa fiabilité, ont également joué un rôle. Cependant, il est probable que son passé de sportif de haut niveau ait également joué un rôle dans sa capacité à faire face à ces défis.
Le 8 août 2008, Tony Estanguet est en avant de la groupe de représentants français devant 91 000 spectateurs rassemblés pour la cérémonie d'ouverture des Jeux de Beijing. Photo par David Gray /Reuters
Il est parfois facile d'oublier que Tony Estanguet, qui est maintenant principalement connu pour son rôle de chef des Jeux Olympiques, a remporté plusieurs médailles en canoë-kayak, dont trois en or, lors de trois Jeux Olympiques différents. Il se trouve ainsi au même niveau que Jean-Claude Killy et Marie-José Pérec, des athlètes de très haut niveau.
Pour établir ce classement exceptionnel, il a dû travailler dur dès son plus jeune âge. Tout a commencé à Oloron-Sainte-Marie, une petite ville située à trente kilomètres au sud de Pau. La ville comptait dix mille habitants et était autrefois connue comme la capitale du béret. Il y avait une tour datant du Moyen Âge, un climat montagnard, une route nationale menant à l'Espagne. Son grand-père était agriculteur et lui a enseigné l'importance du travail et de l'humilité. Il a toujours considéré la nature comme un terrain d'aventure.
Cinq moments importants
– Tony est né le 6 mai 1978 à Pau. Il avait cinq ans lorsqu'il a essayé pour la première fois de faire du canoë.
– Il gagne sa toute première compétition de Coupe du monde à l'âge de dix-huit ans.
En 2000, à l'âge de vingt-deux ans, il a réussi à obtenir la qualification pour participer aux Jeux Olympiques de Sydney en battant son frère aîné Patrice. C'est là qu'il a remporté sa première médaille d'or.
Le 31 juillet 2012, il remporte sa troisième médaille d'or aux Jeux olympiques d'été de Londres, après avoir déjà gagné à Athènes en 2004. Il devient ainsi le premier français à devenir triple champion olympique dans une épreuve individuelle.
– À l'âge de trente-quatre ans, le 29 novembre 2012, il choisit de mettre fin à sa carrière sportive avec un impressionnant historique de victoires : il a remporté trois titres de champion d'Europe, trois titres de champion du monde et trois médailles d'or olympiques en canoë slalom.
Le père, qui est un excellent canoéiste mais qui n'a jamais remporté de compétitions, enseigne à ses trois fils sa passion pour le sport. Le plus jeune des fils précise qu'il a dû prouver sa valeur avant d'être initié par son père. Ensemble, ils pratiquent le kayak, l'escalade, le surf et le ski les mercredis et les week-ends, en fonction des saisons. Tony découvre le canoë à l'âge de cinq ans sur le gave de Pau, une rivière descendant des Pyrénées. Même s'il a peur de l'eau vive et froide, il surmonte sa peur et va jusqu'au bout.
Au fil des années, il apprend à combiner sa technique avec son improvisation, et à gérer les montées d'adrénaline. Il ne renonce jamais, même face aux sacrifices et aux incertitudes, il ne pense jamais à abandonner. Il suivra l'exemple de sa famille, qui est sa boussole. Son père lui apprend la discipline et la rigueur, mais reste avare en compliments. Il lui en est reconnaissant. Et sa mère, infirmière, que fait-elle dans tout cela ? Elle était douce et ouverte. Elle était protectrice envers nous, et il semble ému quand il en parle. Elle met en avant un beau principe : le comportement est aussi important que le résultat.
Il a su tenir ses promesses dès son jeune âge, en remportant sa première manche de Coupe du monde à seulement dix-huit ans. Il a continué son apprentissage de manière assidue et a gravi les échelons. En 2000, à l'âge de vingt-deux ans, il s'est retrouvé en compétition contre son frère aîné Patrice, qu'il considérait comme son modèle, pour décrocher la qualification aux Jeux olympiques de Sydney. Cela ressemblait à une version moderne du mythe d'Abel et Caïn. Il avait soif de cette place et ressentait le besoin de surpasser son frère pour ne plus être considéré comme le petit dernier. Il a finalement remporté la compétition et a pu enfin prendre son envol.
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Ainsi, la suite des événements est bien connue. Il remporte la médaille d'or en Australie (il déclare que chaque instant fut un plaisir). Comme dans un rêve idéal, il ressent une révélation, une progression qui ne pouvait être stoppée, un destin qui devait se réaliser. Il réitère son exploit à Athènes en 2004. Puis vient Pékin en 2008, où il a le privilège d'être le porte-drapeau de l'équipe française, une grande fierté pour lui. Malgré les pronostics annonçant une troisième victoire consécutive, un exploit sans précédent, il échoue de manière surprenante, loin de son objectif (il se classe neuvième au final).
En 2004, Tony Estanguet gagne la médaille d'or en canoë slalom lors des Jeux olympiques d'été qui se sont déroulés à Athènes.
Il admet que c'était la première fois que tout s'effondrait en lui, et cela lui a causé une grande douleur. Il pensait que c'était la fin, que l'histoire s'arrêtait là. Pendant les trois mois suivants, il était perdu. Mais petit à petit, sa détermination est revenue, il ne pouvait pas accepter l'échec. C'est son amour-propre qui l'a poussé à continuer. Il était en colère contre lui-même, mais c'est cette colère qui l'a motivé à reprendre le travail. Il était également contrarié par les commentaires des médias qui disaient qu'il devait prendre sa retraite. Il voulait prouver qu'ils avaient tort. Oui, c'était son amour-propre qui l'a motivé. À Londres, quatre ans plus tard, il brillera à nouveau.
Au fond, sa volonté de gagner a toujours été le moteur de sa carrière et il n'a jamais abandonné ses objectifs. Le terme "ambition" peut parfois être mal perçu. Il admet qu'il était ambitieux dès son plus jeune âge, mais il ne se vantait pas de l'être. Il pense que l'ambition n'est pas synonyme de prétention. Dans une société qui prône l'égalité, il n'est pas facile de se démarquer.
Cela lui permet de rester optimiste malgré l'ambiance négative. Avoir affronté des situations difficiles, évité les erreurs, maîtrisé les risques et géré le stress lui a donné une discipline intérieure précieuse. Cette discipline lui est utile dans les milieux officiels et politiques, où il doit faire face à des controverses médiatiques. Cela lui a également permis de développer des qualités de leader, comme la résilience face au doute et la capacité à ne pas se laisser influencer par des jeux de pouvoir. En résumé, il a appris la vitesse, la précision et l'équilibre dans sa discipline, ainsi que l'importance de rester sur la bonne voie.
L'ancien champion du monde de canoë slalom est devenu un important collecteur de fonds. Il a réussi à obtenir 1,2 milliard d'euros de sponsoring. Il porte une surchemise en suède et un pantalon chino en coton de la marque Berluti. Photo de Yann Rabanier pour Les Echos Week-End.
Cependant, certains ont critiqué son style de leadership solitaire et sa communication peu sincère. Guy Drut a déclaré qu'il était égocentrique et méfiant. Tony ne se sent pas représenté par cette description et pense que les critiques viennent du fait qu'il a pris des décisions qui n'ont pas plu à certains. Il pense que les commentaires de l'ancien coureur sont dus à sa rancœur. Il ajoute qu'il ne cherche pas à plaire à tout le monde. En bref, il ne se soucie pas de ce que les autres pensent de lui.
Interrogé sur son implication dans le monde politique, il paraît à l'aise et confiant dans ses réponses. Il reconnaît la difficulté et la violence de ce milieu, mais préfère rester à sa place. Il ne révèle pas son choix de vote, mais ses réponses laissent deviner son opinion. Il apprécie le dynamisme d'Anne Hidalgo et le combat de Valérie Pécresse. Quant à Emmanuel Macron, il loue sa capacité à envisager les problèmes dans leur ensemble. Ces propos laissent entrevoir une certaine proximité avec le président, mais qui pourrait être trompeuse.
Tony Estanguet et Usain Bolt se sont rencontrés lors de la présentation de la torche olympique en juillet 2023. Une photo a été prise par J-F ROLLINGER / ONLY FRANCE / Only France via AFP.
Que fera-t-il en politique une fois que les Jeux seront terminés et que les projecteurs se seront éteints ? Il semble hésitant à suivre l'exemple de champions devenus ministres tels qu'Alain Calmat, Guy Drut, Jean-François Lamour, Laura Flessel ou Roxana Maracineanu. Il répond simplement qu'il réfléchira à où il peut être utile, car il s'engage pleinement quand il pense pouvoir être utile. En somme, il n'exclut aucune possibilité.
Il est certain qu'il va retrouver sa famille à Pau, où il se sent le mieux. Il passe du temps à faire du sport avec ses trois enfants, dont l'aîné pratique le canoë depuis longtemps et aspire à devenir champion. Cette passion pour le sport semble être transmise de génération en génération dans sa famille.
En attendant, il continue d'être le courageux représentant et le vigilant gardien de ces Jeux Olympiques qui commencent dans seulement quatre mois. Il se réjouit à l'idée d'y participer, mais il sait aussi qu'il devra faire face à toutes les difficultés si jamais les choses tournent mal. Malgré tout, il garde le sourire, comme pour défier le destin.
En cas de succès, il est certain qu'il sera considéré comme la personne la plus remarquable de l'année.
Caractéristiques physiques et style
Il mesure 1,86 mètre. Il est mince, pesant 75 kilogrammes, et a une allure élancée. On le reconnaît facilement à son nez busqué.
Depuis combien de temps portes-tu ta barbe ?
En 2021, la personne a décidé de laisser pousser sa barbe en raison du confinement qui lui permettait de se relâcher. Auparavant, elle ne s'autorisait pas à le faire car elle devait être parfaitement rasée. Elle pense que cela lui convient.
L'activité physique et sportive ?
"Je fais de l'exercice. J'apprécie la course. C'est aussi l'un des rares moments où je peux être en solitude. C'est un moment où je peux me libérer de la pression."
Comment elle aborde la mode ?
Je ne suis pas très préoccupé par mes vêtements, je me contente de veiller à ne pas mal m'habiller. Je ne vais pas souvent faire du shopping.
L'auteur du livre est
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