Michel Ciment, qui est décédé hier à l'âge de 85 ans, était un critique de cinéma renommé. Il était un membre influent de la revue Positif, auteur de plusieurs livres et proche de Stanley Kubrick. Sa bibliothèque impressionnante sur le cinéma et son histoire restera un héritage précieux pour les générations futures.
Par mes propres mots:
Par Adrien G
« As-tu observé des choses ? ». Il n'a jamais demandé « comment ça va ? ». Ce n'est pas que la santé ou l'état d'esprit du jour n'étaient pas importants, mais rien n'était plus crucial que ce que l'on avait observé. On se portait bien si on avait « vu des choses ». Michel Ciment, probablement le dernier des grands critiques, est décédé ce lundi 13 novembre après avoir dédié sa vie à observer « des choses » : des tableaux, des pièces de théâtre, des ballets… et des films. Des milliers de films.
La mentalité positive
Michel Ciment, né à Paris en 1938, est issu d'une famille touchée par la guerre. Son père, un couturier juif spécialisé dans le plissé, a réussi à échapper à la rafle du Vel d'Hiv. Pendant son enfance, Michel a vécu dans une France occupée. Après avoir étudié au lycée Condorcet, il s'est inscrit en classe préparatoire littéraire à Louis-Le-Grand, où il a été particulièrement marqué par les cours de philosophie donnés par Gilles Deleuze. Son voyage d'études aux États-Unis, dès 1958, à l'Amherst College, une prestigieuse université du Massachusetts, a également été une étape fondamentale dans sa formation. Sa pratique de l'anglais et sa connaissance de l'histoire américaine ont accompagné toute sa vie d'écrivain et de spectateur.
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Il découvre un Paris immergé dans une période de passion pour le cinéma. Tous les grands films américains qui étaient interdits pendant la guerre sont disponibles en France. Le jeune homme lit les Cahiers du Cinéma, où la Nouvelle Vague commence à fleurir, ainsi que Positif, une revue de Lyon fondée par Bernard Chardère en 1952. C'est finalement en 1963 qu'il décide de s'installer là-bas. Pendant 60 ans, il sera responsable de la structure des numéros de Positif et deviendra sa voix sur la scène intellectuelle et cinéphile. En 1970, il rejoint l'émission dominicale "Le Masque et la Plume" sur France Inter, tout en continuant sa carrière d'enseignant en civilisation américaine à l'université.
Michel Ciment, en plus de ses nombreuses études et écrits fondamentaux sur le cinéma, a eu l'occasion d'échanger avec les plus grands réalisateurs tels que John Huston, Joseph Mankiewicz, Francesco Rosi, Federico Fellini, Robert Bresson, Joseph Losey, John Cassavetes, Terrence Malick, Jean-Luc Godard, Andreï Tarkovski, Elia Kazan, Quentin Tarantino, Wong Kar Wai, Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, George Lucas, Steve McQueen… De nombreux cinéastes ont été interviewés par lui, répondant à des questions qui avaient la réputation de les révéler à eux-mêmes en tant qu'artistes.
Il était notamment l'un des rares critiques à avoir eu de longues rencontres avec Stanley Kubrick, l'un des auteurs les plus mystérieux de l'histoire. De ces entretiens est né un livre important, intitulé "Kubrick", qui a été traduit dans le monde entier et réédité plusieurs fois. Les enregistrements témoignent d'une conversation fascinante, où Kubrick semble avoir anticipé chaque question précise du critique, comme s'il l'attendait pour fournir des analyses approfondies de son travail, destinées à la postérité.
Michel Ciment partageait la même vision du cinéma que l'auteur d'œuvres telles que « Eyes Wide Shut » ou « Barry Lyndon ». Il considérait que le cinéma était un « art total », rassemblant la littérature, la peinture, la musique et l'architecture. C'est pourquoi il accordait une importance primordiale au cinéma, en tant qu'entité artistique, plutôt qu'aux réalisateurs individuels.
Ayant acquis une grande diversité de goûts en tant que spectateur, il était particulièrement attiré par un cinéma vaste et épique qui combinait expérimentations visuelles et grandes aventures humaines. Il a écrit un livre important sur John Boorman et, parmi la génération apparue à la fin du millénaire, aucun réalisateur n'était plus précieux pour lui que Jane Campion. Selon lui, un grand cinéaste était à la fois un "innovateur" et un artiste qui, selon ses propres termes, "dialoguait avec le passé". C'est pourquoi, parmi les cinéastes français, il admirait davantage l'érudition et la folie d'Alain Resnais que celles de Godard ou Truffaut.
Michel Ciment a joué un rôle important en tant que membre du jury des festivals de Cannes, Venise et Berlin. Au fil du temps, il est devenu un observateur respecté dans l'industrie cinématographique, en raison de l'importance de la critique dans la presse au cours du XXe siècle. En plus de son travail pour Positif, il a également écrit de longs articles, des critiques et des reportages sur le cinéma dans divers journaux et magazines. De 1990 à 2016, il a animé l'émission "Projection Privée" sur France Culture, où il avait des conversations de 45 minutes avec des cinéastes, des acteurs et des techniciens. À la fin de sa vie, il a vu les formats auxquels il était habitué disparaître. Il emporte donc avec lui une période considérée comme l'âge d'or de la critique, qu'il a toujours considéré comme un genre littéraire à part entière.
Pendant tout ce temps, Michel Ciment a eu l'occasion de découvrir plusieurs choses intéressantes. Et parmi ces découvertes, il n'y en a pas qui l'ait autant captivé que le film "2001, l'Odyssée de l'espace" réalisé par Stanley Kubrick. Il se souvient sûrement encore d'hier, de la fin de ce film en particulier. Il se souvient de cet homme âgé qui se réveille dans une chambre qui ressemble à celle du XVIIIe siècle, depuis une station orbitale. Cet homme, dans ses derniers instants, engage une conversation avec le passé tout en observant l'avenir et en regardant ce fœtus astral flotter tranquillement dans l'espace, les yeux grands ouverts, en observant notre petite planète tourner.
Adrien Gombeaud, auteur
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