L'entreprise Lixo se spécialise dans l'analyse des déchets.
Les déchets contenant des objets dangereux ou les bacs d'emballages contaminés par des déchets non recyclables posent un problème économique et environnemental. Les opérateurs ne parviennent pas à connaître et contrôler efficacement les flux de déchets collectés par les camions. Cependant, la start-up Lixo propose une solution avec son petit dispositif qui pourrait révolutionner la situation.
Par mes propres mots
On ne peut pas passer à côté du recyclage, que ce soit dans les discours des défenseurs de l'environnement, des industriels ou des politiciens de tous bords. Il est également présent sur les poubelles et les étiquettes de nombreux produits. Il est évident que cette pratique est nécessaire pour favoriser la transition écologique et soulager notre conscience de consommateurs accros aux emballages. Cependant, nous avons tendance à oublier les étapes intermédiaires essentielles entre la poubelle et le recyclage des déchets ménagers proprement dit, même si les capacités et les technologies s'améliorent.
Après avoir été jetés, les déchets doivent être ramassés par les camions-bennes soit dans les poubelles individuelles situées en bas des maisons, soit dans les conteneurs destinés aux ordures ménagères d'un quartier spécifique. Ensuite, les détritus sont dirigés soit vers une décharge ou une usine d'incinération pour les déchets non recyclables, soit vers un centre de tri où ils sont séparés en différents flux pour être envoyés aux recycleurs correspondants. La réussite de ces opérations moins apparentes joue un rôle important dans le taux de recyclage.
Cependant, les opérateurs ne peuvent pas savoir exactement ce que contiennent les bacs individuels ou collectifs qui sont ramassés par les camions-bennes lors de leurs tournées. Certains chargements de matériaux recyclables sont donc contaminés par des déchets non recyclables, les rendant inutilisables pour le processus de recyclage. D'autres peuvent contenir des substances dangereuses qui pourraient endommager de manière permanente les infrastructures de traitement des déchets. Alors que le coût de la gestion des déchets augmente chaque année – atteignant 20,6 milliards d'euros en 2019 -, les erreurs dans la collecte du plastique uniquement coûtent 1,3 milliard d'euros par an, selon le ministère de la Transition écologique. De plus, le taux de rejet des déchets dans les centres de tri atteint en moyenne 24% en France, selon l'éco-organisme Citeo.
Marjorie Darcet et Olivier Large sont les créateurs de Lixo.
Le fait de mal trier les déchets a un impact financier pour les personnes chargées de l'assainissement ainsi que pour les opérateurs, mais aussi un impact environnemental, car cela conduit à l'incinération de matériaux qui pourraient être réutilisés. Citeo estime donc que toute amélioration des capacités de recyclage est vaine si des efforts ne sont pas faits dans les opérations de collecte et de tri, qui manquent cruellement d'innovation. C'est là que Marjorie Darcet et Olivier Large entrent en jeu en formant un duo.
Marjorie Darcet, cofondatrice et présidente de Lixo, explique que le secteur du traitement des déchets est souvent résistant au changement en raison de son modèle économique précaire. Malgré cela, elle est déterminée à relever ce défi et à apporter de nouvelles technologies. Marjorie Darcet, qui a étudié à Sciences Po et travaillé dans des cabinets de conseil anglo-saxons, décide de quitter une carrière plus traditionnelle pour se concentrer sur la gestion des déchets. En 2020, elle s'associe à l'ingénieur Olivier Large pour créer Lixo, une entreprise qui cherche à améliorer les différentes étapes du processus de recyclage des déchets.
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Jusqu'à présent, l'analyse des mouvements des déchets ménagers était loin d'être satisfaisante. En fait, elle était vraiment insatisfaisante. Selon Marjorie Darcet, dans les cas favorables, un seul échantillon de flux de déchets était analysé manuellement une fois par an. Les opérateurs n'avaient donc aucune idée précise et en temps réel des mouvements des déchets, ce qui rendait leur gestion plus difficile. Pour remédier à cela, la startup développe un dispositif composé d'une boîte et d'un capteur équipé d'une caméra. Grâce à un algorithme de reconnaissance, ce dispositif permet d'identifier immédiatement les différents types de déchets présents dans les camions-bennes et les centres de tri et de recyclage.
Observation à travers la caméra embarquée Lixo et étude des déchets.
Cependant, la jeune entreprise réalise rapidement qu'elle doit temporairement abandonner les sites de tri et de traitement. La fondatrice reconnaît que du point de vue technique, les caméras présentent des limites car elles ne peuvent pas détecter les différents types de plastique ou l'humidité du papier, ce qui est essentiel pour le recyclage. De plus, d'un point de vue économique, cette approche n'était pas viable car les cycles de vente étaient trop longs et les usines mettaient trop de temps à s'équiper. Par conséquent, Lixo se concentre sur les camions-bennes, où une analyse moins précise est nécessaire car il s'agit simplement de séparer les matériaux recyclables (plastique, métal, carton) des non-recyclables et de détecter les objets dangereux. Grâce à un capteur capable de reconnaître une quarantaine de types de détritus différents, installé en seulement six heures dans les bennes, les opérateurs peuvent désormais cartographier et connaître en temps réel le contenu récupéré par leurs camions.
Un avantage majeur du système de Lixo est sa capacité à mieux cibler la communication envers les utilisateurs. Il est configuré pour repérer les déchets dangereux qui sont jetés par erreur dans les bacs ordinaires, tels que les bouteilles de gaz ou les bonbonnes de protoxyde d'azote, connu sous le nom de gaz hilarant, qui représente un risque d'explosion dans les incinérateurs. Pour les opérateurs, il est crucial de prévenir ces incidents, car un four hors service pendant quelques jours peut entraîner des coûts allant de 100 000 euros à 150 000 euros par jour, ainsi que des frais supplémentaires de 100 000 euros à 150 000 euros pour les réparations. Il est donc évident que l'enjeu financier est considérable.
De plus, le système peut apporter un avantage pratique aux gestionnaires des déchets. Par exemple, il peut détecter si un conteneur de matériaux recyclables collecté est trop contaminé par des déchets non recyclables. Dans ce cas, l'opérateur peut directement diriger le camion vers l'incinérateur, évitant ainsi un détour par le centre de tri. Cependant, il semble difficile de dévier un camion en route vers l'incinérateur afin de déposer les quelques déchets recyclables jetés dans la poubelle des déchets non recyclables, sans complexifier le circuit logistique de ces 12 000 camions qui circulent six jours sur sept.
Le Lixo est un boîtier. Il s'agit d'un boîtier
Finalement, grâce à l'utilisation du système GPS qui permet de repérer exactement où se trouve le contenu récupéré, l'opérateur peut concentrer ses efforts de communication là où le taux de contamination est le plus élevé. Cela permet de mieux faire comprendre les consignes sur le long terme et, à terme, d'améliorer la qualité des flux avant leur arrivée dans les centres de tri, comme l'explique la présidente de Lixo.
Il est actuellement difficile pour la start-up de mesurer précisément les avantages économiques et écologiques de sa solution, comme l'admet sa présidente. Elle explique que le fait d'éviter les explosions de fours ou de mieux cibler les campagnes de communication permet de réduire certaines dépenses, mais il est difficile de quantifier le tonnage des déchets valorisés car la solution n'est commercialisée que depuis peu de temps. Cependant, la jeune entrepreneuse affirme avoir reçu plusieurs témoignages de clients satisfaits d'avoir réduit le taux de contamination des bacs de déchets recyclables. Selon les analyses quotidiennes de Lixo, le taux moyen de contamination est de 60% sur les 30 000 à 40 000 bacs qu'ils examinent.
La solution a réussi à convaincre de nombreux acteurs importants du secteur, tels que Veolia, Suez, Derichebourg et Nicollin, ainsi que des collectivités comme Dunkerque ou Vannes. Ils ont adopté la solution de la start-up dans plus d'une centaine de camions-bennes. En 2022, elle a réussi à obtenir un financement de 3,5 millions d'euros de la part de Demeter Partners, Raise Seed for Good, Amaury Bierent et 50 Partners, et elle s'est également implantée dans quelques pays frontaliers ainsi qu'en Amérique du Nord.
Cependant, malgré son succès fulgurant, la fondatrice de l'entreprise reste humble en affirmant que leur solution est simplement un outil de connaissance dont l'efficacité dépendra de l'utilisateur. Ils partent de zéro et il reste encore beaucoup à faire pour améliorer leur impact. Ils envisagent d'offrir des services supplémentaires pour garantir des gains économiques et environnementaux. Ils pourraient également se tourner vers d'autres secteurs, tels que l'industrie ou le bâtiment, où le tri des déchets revêt une importance écologique et stratégique énorme. Cependant, il est essentiel d'avoir une connaissance précise du flux des déchets afin de progresser vers un traitement des déchets plus durable.
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