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Le sotol : l’alcool venu du désert mexicain et texan qui défie la tequila et le mezcal

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Boisson alcoolisée : à la découverte du sotol, une boisson apparentée au mezcal et à la tequila

Une autre boisson alcoolisée originaire du désert mexicain et texan, qui est semblable au mezcal et à la tequila, aspire à une renommée mondiale.

Par moi-même

J'ai pris la libert

Pendant de nombreuses années, le sotol était clandestin, mais il a été redécouvert au tournant du siècle. Bien qu'il soit encore peu connu, il est prêt à conquérir le monde. Originaire du Mexique et cousin éloigné de la tequila, le sotol est désormais disponible dans certains cavistes et sur les cartes de cocktails des bars branchés aux États-Unis. Son succès a attiré l'attention de Pernod Ricard, le géant des boissons, qui s'est associé à Lenny Kravitz, le célèbre rocker, pour lancer sa propre marque internationale de sotol, appelée Nocheluna. Cette eau-de-vie, qui est née dans le désert, suscite également un grand intérêt des deux côtés de la frontière entre le Mexique et les États-Unis. En effet, des entrepreneurs texans ont également lancé leur propre sotol "made in USA".

Dernièrement, l'ISWR (International Wine & Spirit Research) s'est demandé si le sotol pourrait être le prochain mezcal à connaître un succès phénoménal, en se basant sur l'engouement qu'a connu cette boisson mexicaine au cours des vingt dernières années. Contrairement au mezcal – et à sa variante la plus populaire, la tequila – qui sont fabriqués à partir de différentes variétés d'agave, le sotol tire son origine d'une autre plante appelée dasylirion, connue localement sous le nom de sotol. Le dasylirion est un cousin éloigné de l'agave, se distinguant par ses feuilles longues et pointues qui lui donnent l'apparence d'un gros oursin. Il pousse naturellement dans les plaines arides du désert de Chihuahua, s'étendant du nord du Mexique au sud-ouest des États-Unis. Pendant des millénaires, les populations indigènes, qui le nommaient tzotolin (« palmier aux feuilles longues et fines »), ont utilisé ses fibres pour fabriquer des vêtements et des objets. Ils fermentaient également son cœur pour obtenir une boisson à faible teneur en alcool.

La distillation a été introduite au Mexique par les colons espagnols et a permis de transformer le sotol en un spiritueux de contrebande. Le processus de fabrication est similaire à celui du mezcal : le cœur de la plante est cuit au feu de bois dans un four de pierres creusé dans le sol, puis broyé, fermenté et enfin distillé. Selon Moises Guindi, PDG du groupe mexicain de spiritueux Casa Lumbre, la cuisson souterraine apporte une saveur fumée qui se mélange aux saveurs spécifiques du sotol. Les notes d'herbes et de minéralité de la plante, qui a poussé pendant des années dans le désert et a supporté des conditions extrêmes, sont très différentes de celles que l'on trouve dans la tequila ou le mezcal. Cela fait du sotol l'un des spiritueux les plus complexes au monde, sans avoir besoin de vieillir dans des fûts.

Pendant longtemps, le sotol était considéré comme une eau-de-vie illégale, associée aux contrebandiers. On raconte même qu'Al Capone lui-même le faisait entrer aux États-Unis pendant la période de prohibition. Cependant, au milieu du XXe siècle, le gouvernement mexicain a interdit sa production. Lorsque l'interdiction a été levée dans les années 1990, il ne restait que quelques petits distillateurs clandestins. Depuis sa reconnaissance en tant qu'appellation d'origine en 2002, le sotol a commencé à se faire connaître en dehors de sa région de production, l'État de Chihuahua. Cependant, même au Mexique, le sotol reste une catégorie de boisson très peu répandue, loin derrière la tequila ou le whisky, selon Moises Guindi.

Grâce à l'engouement des consommateurs américains pour la mixologie, le mezcal et la tequila, les ventes de sotol ont explosé ces dernières années et ont même dépassé celles du whisky aux Etats-Unis. C'est pourquoi, en 2017, Desert Door, la première distillerie américaine de sotol, a ouvert ses portes à Driftwood, une petite ville située à 40 km au sud-ouest d'Austin, Texas. Les fondateurs de cette distillerie, qui sont tous d'anciens militaires américains, se sont rencontrés lors de leurs études en MBA à l'université du Texas et ont développé leur projet lors d'un cours sur la création d'entreprise.

Le premier alcool à être consommé dans la région était le bourbon. L'idée d'ouvrir une distillerie de bourbon dans sa ville natale, Sweetwater, a été proposée par Brent Looby, cofondateur et directeur des opérations de Desert Door. Il pensait que ce serait un nom génial pour du whisky, mais les autres l'ont heureusement dissuadé. Ensuite, ils ont exploré les alcools à base d'agave et ont découvert le sotol au cours de leurs recherches. L'un d'entre eux se souvenait que son oncle et ses amis distillaient clandestinement une boisson appelée "soto", qui était le nom de la plante dans l'ouest du Texas.

Les créateurs de Desert Door, situés devant leur usine de distillation au Texas (de gauche à droite) : Ryan Campbell, Brent Looby et Judson Kauffman. Chaque année, l'entreprise fabrique environ 150 000 bouteilles de Texas Sotol.

Partant de la notion que "le sotol était probablement la première boisson alcoolisée à avoir été consommée dans cette région", les trois amis décident de le distiller et de le commercialiser en tant que produit exclusivement texan. Cependant, cela s'avère plus facile à dire qu'à faire. "Il n'y avait pas de guide pour produire du sotol et évidemment aucune chaîne d'approvisionnement. Au début, nous devions sauter par-dessus des clôtures pour voler les plantes dans le désert près de San Antonio", où pousse la variété locale dasylirion texanum.

Sans avoir besoin d'eau, d'engrais ou de pesticides, le trio a conclu un accord avec un ranch de 3 000 hectares où les plantes poussent naturellement. Brent Looby se vante fièrement de cela. En outre, Desert Door a amélioré son processus de production. Au début, il fallait quatre plantes pour obtenir une bouteille de sotol, ce qui n'était pas du tout durable. Nous avons dû faire de nombreux essais pour améliorer notre technique et maintenant nous obtenons quatre bouteilles par plante. Contrairement à l'agave, la récolte du cœur de dasylirion, qui prend entre dix et quinze ans pour arriver à maturité, ne détruit pas la plante, qui peut alors commencer un nouveau cycle de floraison et de développement. C'est un argument supplémentaire en faveur de l'environnement pour le sotol, alors que l'augmentation des ventes de mezcal menace les ressources d'agave.

Contrairement aux producteurs de sotol mexicains qui utilisent la méthode traditionnelle de cuisson du cœur de la plante dans la terre et au feu de bois, les Texans préfèrent utiliser un autoclave. Après cette étape, le sotol est distillé dans des alambics modernes capables de produire plus de 100 000 caisses par an. Actuellement, Desert Door vend environ 26 000 caisses par an, soit environ 150 000 bouteilles, dans une quinzaine d'États seulement. Environ 20% de leur chiffre d'affaires provient des dégustations réalisées directement à la distillerie. L'immense bâtiment en pierre blonde et en tôle gris foncé, situé au milieu des fermes, est facilement identifiable grâce à sa grande cuve extérieure et son pick-up Ford des années 1970. À l'intérieur, une spacieuse salle aux murs blancs, décorée de tables en bois et de canapés en cuir clair, accueille près de 60 000 visiteurs chaque année. Brent Looby affirme que le tourisme de distillerie est très important pour eux, car il permet de faire connaître le sotol texan et de mettre en avant leur authenticité. Ils ont donc créé un environnement exceptionnel pour offrir une expérience vraiment immersive.

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Cependant, les objectifs des trois vétérans ne se limitent pas au Texas. À partir de début 2024, leurs bouteilles de couleur bleu nuit seront disponibles dans une quinzaine d'États américains supplémentaires, y compris New York, ainsi qu'au Royaume-Uni et en France, grâce à un distributeur indépendant spécialisé dans la mixologie, Fine Beverages Collection. Pierre Gauville, cofondateur du distributeur, estime que les avis des passionnés et créatifs propriétaires de bars sont excellents après avoir goûté la boisson. La France est le quatrième marché européen pour les spiritueux à base d'agave et il y a une réelle excitation pour cette catégorie.

Les producteurs mexicains ne sont pas satisfaits

Du côté mexicain, l'introduction d'une boisson alcoolisée texane appelée sotol a provoqué un mécontentement. Contrairement au mezcal et à la tequila, dont l'appellation d'origine est protégée aux États-Unis depuis un traité de 1994, le sotol ne bénéficie pas d'une telle protection en dehors du Mexique. Lors de la renégociation du traité en 2020, un sénateur du Texas, John Cornyn, a réussi à convaincre ses collègues d'exclure le sotol de l'accord, arguant que cela mettrait en danger une industrie émergente dans son État. Cette décision a scandalisé certains producteurs de l'État de Chihuahua, qui considèrent cela comme une appropriation culturelle, étant donné que la production de cette eau-de-vie à base de sotol est avant tout une tradition mexicaine.

Brent Looby admet que c'est un sujet très controversé pour de nombreuses personnes. Pour lui, le sotol est simplement le nom commun d'une plante qui existait bien avant l'existence de frontières. Il soutient qu'il n'est donc pas possible de l'identifier d'un point de vue régional ou culturel, et préfère se concentrer sur ce qui nous unit plutôt que sur ce qui nous divise.

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Selon Moises Guindi, qui est à la tête du groupe mexicain Casa Lumbre, il ne faut pas accorder trop d'importance à cette controverse. Il compare le sotol au vin ou au whisky et estime qu'une indication géographique devrait être mise en place pour protéger la production mexicaine. Ainsi, si quelqu'un souhaite boire du sotol générique, il pourrait le trouver au Texas. Cependant, une appellation d'origine permettrait de distinguer le sotol traditionnel produit dans l'Etat de Chihuahua.

L'attachement local de Nocheluna, combinant une histoire ancienne avec un spiritueux complètement nouveau pour les consommateurs, a incité Pernod Ricard à investir dans cette marque et à la transformer en une marque internationale. Michael Merolli, directeur de House of Tequila, une filiale du géant français des vins et spiritueux, souligne que le territoire et le lieu d'origine du sotol sont très riches et très différents de ceux de la tequila et du mezcal. Il pense que le sotol aura probablement le même attrait une fois que les gens seront informés de son origine. Depuis juillet dernier, les bouteilles de Nocheluna sont disponibles en France chez certains cavistes. Elles sont également disponibles chez Drinks & Co, le concept-store parisien de Pernod Ricard, ouvert en 2021, qui combine un bar et une boutique. Michael Merolli souligne l'excitation d'être à l'avant-garde d'une tendance, c'est pourquoi ils veulent être les pionniers du sotol.

Le sotol est décrit comme ayant un goût plus sophistiqué et onctueux que la tequila. Selon Paul Kushner, ancien barman et fondateur du site MyBartender, il a des notes terreuses et herbacées, ce qui le rapproche de la tequila. Il suggère de l'utiliser dans des cocktails tels que le Sotol Sour ou le Sotol Old Fashioned. Pour Michael Merolli, PDG de House of Tequila (Pernod Ricard) qui distribue Nocheluna, le sotol a des saveurs similaires à la tequila ou au mezcal, mais avec une sophistication et une onctuosité supplémentaires. Brent Looby, parlant du sotol de Desert Door, qui ne possède pas les notes fumées typiques des sotols mexicains, le décrit comme étant un cousin plus doux, délicat, parfumé et durable de la tequila ou du mezcal.

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